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comme autrefois gouverner le monde, et que le grand schisme du XVIe siècle allait passer comme un mauvais songe. Le protestantisme battit en retraite humblement et presque en baissant la tête, comme s’il eût craint d’affronter tant de majesté ; le rationalisme, qui, sous le nom de système cartésien, venait de naître, fut rapidement absorbé dans les doctrines de l’église et couvert d’un manteau d’orthodoxie ; aucune puissance ennemie ne tint devant elle. Tel fut, résumé fidèle de tout son passé, le dernier grand jour de cette église française, l’institution qui a laissé chez nous les traces les plus nombreuses et les plus indestructibles vestiges.

Dans nul pays, le clergé n’a été autant mêlé qu’en France aux affaires politiques ; dans aucun, il n’a plus gouverné. L’église a été le principe de toutes nos institutions ; elle a été ensuite leur inspiratrice et leur conseillère, elle les a teintes de ses couleurs et marquées de son blason. La seule grande institution de notre pays après l’église est la monarchie, mais elle ne vient qu’en seconde ligne, et on peut dire qu’elle a été formée sur un modèle ecclésiastique, tant son caractère diffère du caractère des autres monarchies. Le dernier grand esprit de l’Allemagne avait remarqué que la monarchie française avait un caractère théocratique, et que nos rois avaient une certaine allure cléricale. Rien n’est plus juste ; quand on parcourt notre histoire, on croit apercevoir toujours étendue derrière le trône la main de ces évêques qui fondèrent et bénirent la monarchie française. Nos rois ne remplissent pas des fonctions, ils exercent un sacerdoce politique. Un roi de France ressemble plus à un pontife qu’à un chef d’état. Il se rapproche plus d’un pape que d’un roi d’Angleterre ou d’un empereur d’Allemagne. Ceux-ci sont bien de purs chefs temporels faits pour marcher à la tête de leurs armées ou pour dicter leurs volontés devant des conseils politiques ; l’épée, la couronne, la main de justice, sont les seuls insignes qui les distinguent. Ils ne veulent d’autre prestige que celui que donnent la possession et l’exercice de la force. Bien différens sont les rois français. Dans leurs qualités comme dans leurs défauts, ils trahissent un caractère formé par une éducation cléricale. À quelques exceptions près, ils ne se soucient point de batailler et de combattre comme les souverains germaniques. Bons généraux et mauvais soldats, ils frappent par leur intelligence beaucoup plus que par leur héroïsme. Les vaillantes prouesses, les beaux faits d’armes, les exploits chevaleresques ne sont pas leur affaire, et le grand Philippe-Auguste pourra paraître peu brillant à côté d’un Richard au cœur de lion et d’un Frédéric Barberousse. Les rois chevaliers et hommes d’armes, les héros ne nous ont d’ailleurs jamais porté bonheur ; nous en avons eu deux, le roi Jean et François Ier, et leurs grands coups d’épée ont failli avoir