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Il voulut rire et prendre Madeleine par la main. Un frisson la saisit, et, reculant jusqu’à la porte, elle gagna l’escalier en courant. Une terreur folle la poussait.

Elle arriva dans la nuit même à Blois. Le père Noël eut peur en la regardant. Elle avait les mains glacées, les yeux hagards, le teint blême; ses dents claquaient. Elle se mit au lit, et le délire la prit dans la matinée. Le père Noël comprenait que le mal venait d’Urbain. — Certainement je le tuerais ! disait-il en pleurant sur les mains de Madeleine.

Le délire dura jusqu’au lendemain sans intermittence, puis tomba, revint encore, et ne cessa qu’au bout de trois jours. Plusieurs fois elle parla de Paul, dont elle avait raconté les preuves d’attachement au père Noël. Il pensa que sa présence lui ferait du bien. « Venez vite, lui écrivit-il, Madeleine est en danger ! »

Quand Paul arriva, le délire avait cessé. Madeleine lui tendit une main faible, sans parler. La fièvre était ardente, le pouls battait par mouvemens irréguliers et rapides. Le médecin craignait un transport au cerveau et ne répondait pas des conséquences. Louison, qu’on portait quelquefois dans la chambre de sa mère, s’effrayait à la vue de ce visage pâle, qu’elle entrevoyait vaguement sous l’ombre des rideaux. Le père Noël et Paul se relayaient au chevet de la malade. Tout était silence dans la maison. Au milieu de ses momens les plus lucides, Madeleine ne parlait jamais de son voyage à Paris : elle craignait d’avilir Urbain dans la pensée du père Noël. Une seule fois il essaya de la questionner : elle lui fit signe de se taire par un geste si plein d’angoisse, qu’il ne recommença plus; mais Paul, qui se perdait en conjectures sur la cause du coup violent qui avait poussé Madeleine aux portes du tombeau, voulut savoir la vérité; il chargea un ami de prendre des renseignemens. L’ami rendit visite à l’établissement de Bergevin, rencontra un camarade d’Urbain, et obtint sans trop de frais le récit de cette soirée où Madeleine avait paru au quatrième étage de la rue Bellefonds. — Ah! le misérable! dit Paul, qui conta toute l’histoire au père Noël.

Madeleine resta gravement malade pendant plus de trois semaines. La vie à tout instant semblait devoir la quitter, comme tombe un fruit mûr d’une branche secouée par le vent. Des alternatives de crainte affreuse succédaient à de rares momens d’espérance. Un soir même, le bruit de sa mort se répandit dans Blois. La mère Béru se mit à courir en poussant de grands cris; elle eut une explosion de tendresse, une sorte d’amour rétrospectif si bruyant, que tout le quartier fut en rumeur. Cent personnes s’attroupèrent à la porte de Madeleine.

Un musicien qui passait par la ville eut vent de cette nouvelle et la porta à Paris, où Urbain en fut informé. Sa première impression