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Ces faits ne sont pas, il est vrai, sans précédens acquis à la science. Déjà MM. Biot et Soubeiran avaient constaté qu’en enlevant au maïs ses épis avant leur maturité, la sécrétion sucrée dans les tiges ne s’en trouvait accrue que de 2 pour 100 environ. Antérieurement encore, M. Pallas, dans un ouvrage remarquable sur le maïs[1], avait signalé non-seulement la présence, incertaine avant lui, du sucre cristallisable dans les tiges de cette plante, mais encore il ajoutait dès lors « que la tige du maïs, contrairement à l’opinion généralement admise, contient, après la récolte du fruit, du sucre cristallisable identique au meilleur sucre de canne, et dont la quantité n’est pas moins de 6 pour 100 du poids des tiges, en y comprenant la portion incristallisable, » que les plus fortes doses sécrétées dans les tiges coïncident avec l’époque de la végétation où le fruit parvient à sa maturité. L’auteur ajoutait avec raison que l’on ne devait plus confondre, comme on l’avait fait généralement, la maturité du grain avec la dessiccation de la plante, deux choses qui se manifestent successivement à des époques différentes, — qu’enfin de cette distinction très soigneusement observée dépendait le succès des opérations tentées en vue d’extraire le sucre des tiges du maïs. Sur ce point, le maïs, comme le sorgho, diffère beaucoup de la betterave, qui ne mûrit complètement ses graines qu’en épuisant la totalité du sucre précédemment accumulé dans ses racines tuberculeuses.

Si j’ai cru devoir insister sur les vues de M. Pallas relativement aux produits en sucre et en graines à extraire du maïs, produits qu’il se proposait de varier en transformant à volonté le sucre en alcool et en préparant du papier avec les tissus exprimés de la plante, c’est que de tels projets offrent de grandes analogies avec ceux qui reposent actuellement sur l’avenir du sorgho, et que déjà la lutte s’est engagée entre les deux plantes. Pour plusieurs agronomes, au dire de quelques publicistes, les avantages peuvent se balancer sous certains rapports, la préférence peut paraître douteuse. Le mémoire de M. Pallas, présenté en 1837 à l’Académie des Sciences, avait d’ailleurs semblé très digne d’attention au savant rapporteur, M. Biot, qui appréciait en ces termes les tentatives d’exploitation nouvelle du maïs : « Nous n’avons pas le désir de provoquer imprudemment l’industrie à tenter des voies nouvelles, mais nous ne devons pas non plus l’en détourner par une timidité exagérée. Si le maïs pouvait être exploité avec succès pour le sucre que ses tiges renferment, il aurait en agriculture de grands avantages sur la betterave. » Aux États-Unis enfin, où l’expérience a été faite, on a trouvé jusqu’à 17 kilos de substance sucrée dans 100 kilos de tiges

  1. C’est en 1837 que M. Pallas, médecin en chef de l’hôpital de Saint-Omer, a publié ses Recherches sur le maïs, l’art de fabriquer le sucre et le papier avec la tige de cette plante.