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a pris une forme plus grave, et Simon Bernard a été mis en jugement pour complicité dans l’attentat du mois de janvier dernier. Une seule chose restait douteuse en présence de cette accusation intentée contre un étranger : quelle était l’efficacité des lois britanniques ? Des actes tombés en désuétude ou sans précision étaient-ils applicables ? Le ministère de lord Palmerston ne croyait pas la loi anglaise efficace ; il présentait, ou s’en souvient, le bill sur les conspirations, et c’était là, sinon la cause directe de sa chute, du moins le prétexte dont les partis, appuyés en cela par l’opinion extérieure, se servaient pour le renverser. C’est dans ces conditions que lord Derby arrivait au pouvoir. Le nouveau ministère trouvait une action judiciaire engagée, et surtout l’opinion vivement émue de cette pensée de modifier la législation anglaise. Le procès tirait pour le moment le cabinet d’embarras. N’était-il pas naturel en effet d’attendre l’issue de cette épreuve à laquelle allait être soumise la loi britannique ? L’épreuve est faite aujourd’hui par les débats qui se sont récemment déroulés à Londres. Simon Bernard a été jugé et absous par le jury, et de plus, en vertu de cet acquittement sur le fait principal de tentative de meurtre, il a été exonéré de toutes poursuites pour un délit secondaire de conspiration qui n’avait plus d’importance, et qui n’aurait pu être justifié d’ailleurs que par les mêmes témoignages invoqués dans le premier procès. Que le cabinet de Londres eût préféré au fond un autre résultat, qu’il ait surtout regretté les manifestations tumultueuses qui ont accompagné l’acquittenient de Bernard, cela ne paraît guère douteux, d’autant plus que ce dénoùment ne résout pas une question toujours assez indécise, celle de savoir si la législation actuelle est efficace contre des crimes d’un certain ordre. Sous ce rapport, tous les embarras du ministère anglais peuvent n’être pas terminés. Faut-il cependant attacher à tous ces incidens une importance de premier ordre, les aggraver même par des commentaires passionnés ? Judiciairement, l’affaire paraît finie ; politiquement, peut-elle laisser encore des difficultés ? Le simple sentiment des intérêts des deux pays devrait suffire, il nous semble, pour faire évanouir tous ces ombrages, et l’accueil que reçoit en ce moment le maréchal Pélissier, les flatteuses manifestations dont il est l’objet, montrent le prix que les classes éclairées de l’Angleterre attachent à l’alliance de la France.

Si toutes ces affaires de justice et de procédure ont mis le cabinet anglais dans une situation délicate, ce n’est pas là ce qui peut actuellement menacer son existence. La véritable question pour le ministère, c’est de gagner la fin de la session, de louvoyer sans provoquer de lutte décisive. La difficulté, c’est de traverser les épreuves de toutes ces discussions qui vont ôire soulevées par le bill ou plutôt par les bills de l’Inde. Effectivement il y a aujourd’hui plusieurs bills en présence pour régler la nouvelle situation des Indes britanniques. Il y a celui de lord Palmerston, il y a celui de lord Derby, il y a même une troisième proposition qui consisterait à substituer une série de résolutions à une loi formelle. Le bill de lord Palmerston proposait de transférer le gouvernement des possessions britanniques de la compagnie qui l’exerce aujourd’hui à la couronne, et d’instituer un ministre responsable de l’Inde, qui choisirait lui-même les membres d’un conseil placé auprès de lui. Le bill soumis par lord Derby au parlement avait un caractère particulier : le gouvernement des Indes devait être également