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de florins. Mais, de toutes ces discussions, la plus curieuse peut-être est celle qui a eu lieu à l’occasion d’un projet de loi sanctionnant une ordonnance du gouverneur général de l’Inde néerlandaise qui défend l’importation des armes à feu et des munitions de guerre à Palembang. Ce n’est point précisément par son objet spécial que cette discussion a été curieuse ; c’est par un incident qu’elle a révélé, un de ces incidens lointains où l’on retrouve toujours quelque Anglais agissant sous sa responsabilité propre et par l’unique droit de son initiative individuelle. Il y avait récemment encore à Siak (Sumatra) un Anglais de Singapore, M. Wilson, qui, après avoir offert ses services au sultan du pays, s’y était établi et avait fini par s’arroger de tels droits que le sultan a dû invoquer le secours du gouverneur-général hollandais. M. Pahud a effectivement envoyé un de ses résidens à bord d’un bâtiment de guerre. Pendant ce temps, Wilson et ses amis s’étaient fortifiés à Klapa-Pati, dans l’île de Bang-Kalis, et ils accablaient en toute sécurité les indigènes d’impôts et d’exactions. À son arrivée, le résident hollandais descendait à terre pour prendre une connaissance exacte de la situation. Il fut reçu par un prétendu gouverneur de l’île qui avait été nommé par le quasi-sultan Wilson, et qui lui apprit que ce dernier seul avait des ordres à donner. Le résident commença par sommer le prétendu gouverneur de démolir les fortifications. On lui répondit d’abord par un refus, en assurant que ces fortifications avaient été élevées par l’ordre du gouvernement britannique. De son côté, Wilson envoyait au gouvernement néerlandais copie d’un traité de cession de l’île de Bang-Kalis, traité qui aurait été signé par le sultan de Siak. Ce traité était une pure fiction, comme on put s’en assurer en s’adressant au sultan lui-même. Les choses étant ainsi, il fut signifié à cet étrange dominateur que les fortifications allaient être détruites par le canon, si on ne les détruisait volontairement, ce que voyant, Wilson et les siens jugèrent prudent de quitter l’île avant que la menace fût mise à exécution. Cette petite aventure, nous le disions, a eu son retentissement dans les discussions récentes des chambres de La Haye. On n’y a vu du reste qu’une raison de plus de fortifier la position des Hollandais dans le royaume de Siak, de porter une plus grande attention au développement des possessions néerlandaises situées hors de Java, et le ministère s’est rallié sans peine à cette opinion.

Quand l’esprit est las du présent et des mobiles spectacles de tous les jours, il se réfugie dans l’histoire, il se retourne vers le passé, et il y retrouve l’indéfinissable attrait des choses évanouies, la lumineuse expérience qui se dégage du mouvement permanent des passions et des intérêts humains. Dans ce drame du passé qui a l’Europe pour théâtre, et dont la France est une des premières héroïnes, les petits événemens disparaissent, les détails s’obscurcissent, les résultats généraux frappent seuls l’attention, et à travers le flot pressé des générations on voit se succéder tous ces grands faits et ces grands noms, la formation des sociétés modernes, le xvie siècle, les commotions religieuses, les rivalités nationales, Henri IV, Richelieu, Louis XIV. Quel est le rôle spécial de la France ? Il est écrit dans son histoire. C’est cette histoire que continue à retracer M. Michelet dans un nouveau volume qui a pour sujet et pour titre Richelieu et la Fronde. L’époque, les hommes, les questions qui s’agitent, les combats qui se livrent, tout est ici également puissant. On est à