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saisi cette occasion pour faire revivre ses vieilles et douteuses prétentions, et pour menacer le Monténégro d’une invasion nouvelle ; elle a rais en mouvement des forces militaires, en un mot elle semble se préparer à trancher souverainement une question qu’on pouvait croire tout au moins réservée, puisque, dans le congrès de Paris, le représentant de la Porte prenait l’engagement de respecter la situation actuelle. Il y a visiblement en présence ce qu’on nomme le principe de l’intégrité de l’empire ottoman et le droit du Monténégro, qui, si petit et si modeste qu’il soit, est toujours le droit. Or sur ce point les puissances européennes ne sauraient différer. Ici c’est le gouvernement français qui atteste qu’il y a une identité complète de vues entre l’Angleterre et la France, et il est probablement mieux informé que M. Disraeli lorsqu’il parlait des principautés. Quant à l’Autriche et à la Russie, leur opinion actuelle est garantie par tous leurs antécédens. Le moyen que propose le gouvernement français est bien simple : il consiste à nommer une commission européenne chargée de résoudre, de concert aji^ec la Porte, toutes ces questions territoriales, qui ont été jusqu’ici un élément de discorde sur la frontière indécise du Monténégro. Le gouvernement français a mieux fait, puisque dès ce moment il publie son opinion, et cette manifestation significative suffira sans doute pour retenir la Turquie dans les limites d’une prudente modération.

Dans la situation de l’Europe, telle que les circonstances l’ont faite, on pourrait dire qu’il n’y a pas de petites questions, et de là vient cette sorte d’importance qu’a prise la querelle suscitée entre Naples et le Piémont par la capture du Cagliari. Déjà délicate par elle-même, l’affaire s’est compliquée en chemin de toutes les divergences qui se sont élevées entre l’Angleterre et la Sardaigne dans l’appréciation des droits respectifs et des procédés du roi de Naples. Le cabinet de Turin, trop confiant peut-être dans l’appui de l’Angleterre, était allé un peu loin dans ses discussions et dans ses interprétations du droit public, lorsque tout à coup il est resté seul dans sa position avancée, par suite de la retraite mal dissimulée du gouvernement britannique. Le cabinet actuel de Londres a trouvé cette difficulté en montant au pouvoir, et il en est visiblement embarrassé. Il cherche à se dégager sans donner trop d’éclat à sa marche rétrograde ; il ne veut pas abandonner le Piémont, et il ne veut pas pousser à fond une querelle avec Naples. En fin de compte, il est arrivé à une opinion moyenne qui est peut-être la plus vraie, qui est probablement admise dans les chancelleries, mais qui devra imposer certains sacrifices aux principaux intéressés. Il fait la part des torts. Le roi de Naples exerçait un droit à l’origine en saisissant un navire qui venait d’être l’instrument volontaire ou involontaire d’une agression contre les côtes napolitaines, et il n’est plus dans son droit aujourd’hui en prononçant la confiscation. Le Piémont avait tort, au premier moment, de mettre en doute la légalité de la capture du Cagliari, et il est fondé à protester maintenant contre la confiscation. Comment sortir de là ? Le congrès de Paris a indiqué un moyen heureusement invoqué par le gouvernement anglais en cette circonstance : c’est la nécessité de faire appel à la médiation d’une puissance amie avant de recourir à la cruelle extrémité de la force. Une médiation sera donc sans doute le dénoûment de ce démêlé.