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qui comprend seize départemens, et que délimite une ligne passant par Rouen, Paris, Troyes et Châlons-sur-Marne. Ces houillères fournissent au département du Nord les deux tiers de son approvisionnement, le troisième tiers étant nécessairement produit par les exploitations locales. Les charbons anglais entrent pour un quart dans l’approvisionnement du Pas-de-Calais, pour un tiers dans celui de la ville de Rouen. Tandis que les importations de la Belgique et de la Prusse rhénane ont lieu naturellement sur les points voisins des frontières jusqu’à ce qu’elles soient combattues avec avantage par les produits des mines françaises, les importations de l’Angleterre n’embrassent pas moins de trente-huit de nos départemens ; elles arrivent jusqu’à Montpellier, Marseille, Draguignan, Ajaccio, en contournant la Péninsule, et pénètrent jusqu’à Toulouse, Agen, Limoges, Poitiers, Tours, Le Mans, Alençon, Rouen, Amiens, Arras et Lille, où elles viennent lutter avec les importations de la Belgique. L’Angleterre fournit peu de charbon au département de la Seine, qui est surtout approvisionné par la Belgique et par les mines nationales. Les chiffres les plus récens de la consommation parisienne en attribuent plus des quatre cinquièmes aux houillères belges, un sixième environ aux mines du nord de la France, et le reste à celles du centre et à celles de l’Angleterre. On n’a peut-être point oublié la perte, arrivée, au commencement d’octobre 1857, sur les côtes de Fécamp, du steamer anglais the Emperor. Il était le premier essai d’une compagnie qui se proposait de créer un service spécial pour le transport des charbons entre Paris et Rouen et le bassin houiller de Newcastle, au moyen de longs bateaux à vapeur d’un faible tirant d’eau, du port de 1,200 tonneaux, et munis de petites machines destinées à opérer rapidement le déchargement du navire. Le steamer the Emperor devait stationner à Rouen jusqu’à ce que la crue des eaux de la Haute-Seine lui permît d’arriver à Paris. Si le succès n’a pas tout d’abord couronné cette première tentative, elle ne constitue pas moins un fait digne de préoccuper nos compagnies de chemins de fer.

Dans le rapport que je mentionnais tout à l’heure, le ministre des travaux publics s’exprime ainsi à propos de la production, de l’importation et de l’exportation des combustibles minéraux : « Ces chiffres, pris dans leur ensemble, font clairement ressortir l’infériorité chaque jour croissante de l’industrie indigène vis-à-vis des bassins étrangers. » On vient de voir quels sont les points de notre territoire où pénètrent les houilles étrangères ; examinons dans quelle proportion elles concourent à la consommation française.

Il a été remarqué déjà que la presque totalité de la houille produite par le bassin de Sarrebruck[1] était consommée en Lorraine

  1. La progression des importations houillères du bassin de Sarrebruck se déduit des chiffres suivans : en 1811, 250,000 quintaux métriques ; en 1820, 278,143 quint, met. (nombre très inférieur à ceux qui le précèdent et qui le suivent dans la série) ; en 1830, 753,419 quint, met. ; en 1840, 1,607,790 q. m. ; en 1850, 2,772,800 q. m. À partir de cette époque, l’existence des sections de chemins de fer qui ont successivement relié ce bassin aux départemens qu’il approvisionne a rapidement accru les importations, qui ont bientôt atteint les chiffres annuels de 6, 8 et 10 millions de quintaux métriques.