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d’une vérité qui est surabondamment prouvée par le bon sens et l’expérience de tous les temps.

La déclaration de César nous amène à un résultat plus précis. Nous voyons qu’après sa cinquième campagne ses légions étaient réduites à une force moyenne de 3 500 hommes. Il en avait huit alors ; cela ferait donc 28 000 légionnaires. Si nous en retranchons 5 000, qui représentent les quinze cohortes surprises en quartiers d’hiver et entièrement détruites, et si nous en ajoutons 15 000 pour les trois nouvelles légions recrutées dans la Cisalpine avec le concours de Pompée, et que nous porterons au grand complet, nous trouvons qu’au printemps de l’année 53 avant Jésus-Christ, César pouvait avoir sous ses ordres 38 000 soldats romains d’infanterie, les seuls dont nous nous occupions en ce moment. Depuis cette époque, il avait fait une campagne, la sixième, durant laquelle deux cohortes entières avaient été anéanties[1], indépendamment des pertes habituelles. À peine les légions avaient-elles pris leurs quartiers d’hiver que l’insurrection était survenue comme un coup de foudre ; il avait fallu commencer les opérations brusquement et sans aucun préparatif. Dans les derniers mois, l’armée avait fait de longues marches, essuyé beaucoup de privations, donné plusieurs assauts et livré des combats qui tous n’avaient pas été heureux. Il est vrai que le contingent annuel (supplementum) venait d’y être incorporé ; mais il est difficile d’admettre qu’il ait entièrement comblé les vides causés dans les rangs par le fer de l’ennemi et par les fatigues de la guerre.

Il y a encore pour les armées en campagne une autre cause d’affaiblissement : c’est la nécessité, qui souvent se présente, d’assurer les communications, d’occuper certains points par des forces plus ou moins considérables, de faire en un mot ce qu’on appelle des détachemens. Faut-il donc encore déduire de l’effectif des légions des détachemens de quelque importance ?

L’année précédente. César avait jeté un pont sur le Rhin et fait une courte expédition au-delà de ce fleuve. Afin de laisser les Germains sous la crainte de son retour, il avait conservé le pont ; mais, pour que d’autres ne pussent s’en servir, il avait coupé les deux cents pieds de tablier qui touchaient à la rive droite, et sur la rive gauche, dans le pays des Trévires, il avait construit un ouvrage très fort, où il avait laissé douze cohortes[2]. Il ne dit pas qu’il ait

    cohortes, qui faisaient 45 000 hommes, soit 4 090 par légion de dix cohortes, et César soixante-quinze cohortes, qui faisaient 22 000 hommes, soit 2 930 par légion. De Bello civili, III, 88, 89.

  1. B. G., VI, 64.
  2. B. G., VI, 29.