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mettre la main à la récolte des foins et à la moisson des blés ; mais c’est par hasard et en passant. Un chef de gypsies du Northamptonshire, ayant épouse la servante d’une famille anglaise, obtint une ferme il y a quelques années ; mais, quoique cette ferme fût avantageuse, il la quitta pour reprendre sa liberté et son état de musicien. Ces mariages sont rares : il y en a pourtant plus d’un exemple. En Écosse, je parle du moins de quelques comtés, le sang gypsy coule dans les veines de certaines familles de la classe inférieure. Dans la plupart de ces cas, une lutte s’est établie entre l’élément sauvage et l’élément civilisé. Tantôt l’humeur errante du gypsy a entraîné le ménage sous la tente, tantôt le caractère saxon a au contraire fixé les conjoints et les enfans au toit domestique. C’est par ces alliances que s’accomplirait, au bout d’un certain temps, la modification de la race ; mais, chose singulière, la fille gypsy résiste plus que l’homme au mélange du sang. La conservation de ce groupe hindou au milieu de circonstances qui semblaient de nature à le dissoudre est, depuis des siècles, un témoignage de la fidélité de la femme aux devoirs et aux usages des ancêtres. Le vœu du moraliste n’est d’ailleurs pas que la race des gypsies s’éteigne ; son vœu est qu’elle se transforme. Or il n’existe jusqu’ici qu’un moyen connu de relever le caractère des familles humaines : c’est l’éducation. Les gypsies, par leur genre de vie ambulante, échappent plus que d’autres à cette influence morale. On ne pourrait guère les atteindre que dans leurs quartiers d’hiver. C’est à les fixer pendant une certaine saison de l’année et à instruire les enfans que doivent tendre les efforts des philanthropes anglais qui se proposent d’améliorer la condition de ce peuple. Il y a peu d’espoir de rompre entièrement chez les gypsies adultes la chaîne des habitudes : on ne peut attendre ce résultat que du temps et des générations nouvelles, si elles étaient soustraites de bonne heure à l’ignorance et à la force de l’exemple. Cette éducation devra se mouler sur les dispositions bien indiquées de la race : autrement on rencontrerait la résistance de la roche primitive. Il conviendrait d’ailleurs de choisir les familles qui témoignent déjà plus d’affinité pour l’état social, car il y a des degrés dans le gypséisme et des vagabonds parmi les vagabonds.

Un grave intérêt s’attache à une telle expérience. On évalue à huit cent mille le nombre des gypsies répandus dans les divers états de l’Europe. En Angleterre, on en compte de quinze à dix-huit mille. Le caractère des gypsies s’est montré jusqu’ici puissant pour le mal ; y a-t-il lieu d’espérer que les forces de cette race intelligente à quelques égards puissent être dirigées vers le bien ? Le problème intéresse au même degré les hordes errantes et les populations rurales.