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nie, il découvrait Autun, qui était non-seulement sa base d’opérations, où les contingens des diverses tribus continuaient d’affluer, mais le grand centre politique de la Gaule, d’où partaient les ordres, où arrivaient les nouvelles. Le proconsul pouvait par une marche rapide fondre sur cette ville, peut-être l’enlever par un coup de main, peut-être détacher du parti national les Éduens mécontens. En tout cas, la position excentrique prise par l’armée gauloise aurait laissé le champ libre au génie de César, si fécond en combinaisons, et Vercingétorix eût été bien outrecuidant de tenter ainsi la fortune.

Dira-t-on qu’il ne s’était dirigé sur la Séquanie qu’à la nouvelle des premiers mouvemens de l’armée romaine ? Mais de Langres au confluent de l’Ognon et de la Saône il y a environ sept lieues de moins que d’Autun à ce même confluent ; il eût fallu que la marche de César, parti de Langres ou des environs, fût bien lente, et que celle de Vercingétorix, parti d’Autun, fût bien rapide, pour que le second eût devancé le premier sur le théâtre présumé de leur rencontre. D’ailleurs le chef gaulois revint sur ses pas après le combat (reduxit copias). Si l’engagement a eu lieu sur les bords ou dans le bassin de la Saône, il venait donc de la Séquanie et non du pays des Éduens. J’inclinerais même à croire que le plateau d’Alesia, quel qu’en fût l’emplacement, avait été disposé d’avance pour recevoir l’armée gauloise en cas de revers ; car lorsque cette position fut reconnue par César, les troupes ennemies étaient établies sous le mur oriental de la ville, et couvertes par un fossé et un mur de grandes pierres sèches haut de six pieds[1]. Comment supposer qu’un pareil travail eût été exécuté dans cette seule matinée ? D’autre part, aurait-il pu être accompli en présence de l’armée romaine, et si aucun ouvrage ne protégeait les Gaulois quand César parut devant Alesia, celui-ci ne les aurait-il pas immédiatement attaqués, dans l’état de profonde terreur où les avait jetés la déroute de leur cavalerie ? Enfin est-il vraisemblable que les habitans de cette bourgade aient eu dans leurs cabanes assez de vivres pour faire subsister pendant plus d’un mois 80 000 assiégés, 40 000 même, si l’on veut réduire de moitié le chiffre donné par les Commentaires, ou qu’une si vaste quantité de grains ait pu être introduite dans la place, une fois l’investissement commencé ? La longue durée de la résistance n’indique-t-elle pas assez que les approvisionnemens avaient été réunis avant le siége ? Fortifications, subsistances, tout semble avoir été prévu et préparé d’avance.

  1. Pour définir cet ouvrage, César a soin de se servir du plus-que-parfait, tandis que dans le même alinéa il emploie l’imparfait pour décrire les travaux que commençait l’armée romaine : «… Hunc omnem locum copiæ Gallorum compleverant, fossamque et maceriam sex in altitudiuem pedum præduxeraut. Ejus munitionis quæ ab Romanis instituebatur, etc. » B. G., vii, 69.