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est resté dans l’histoire comme une flétrissure. Le souvenir de ces agitations stériles a été le premier écueil auquel se soit heurtée la mémoire de la princesse des Ursins. Dans la brillante fille du duc de Noirmoutier, héritière d’un nom mêlé à toutes les luttes de ce temps, on a vu une dernière survivante de la régence, une sorte de rinçure de la Palatine, comme aurait dit Saint-Simon, et les dramatiques péripéties d’une existence consacrée à la poursuite du pouvoir ont fait fermer les yeux sur la grandeur de l’œuvre dont cette femme supérieure a été l’instrument principal. Remuante et altière, aussi dominée qu’aucune personne de son sexe par la vivacité de ses préférences et de ses antipathies, mais pleine de sens dans ses vues et de fermeté dans ses desseins, l’habile conseillère de la reine d’Espagne a perdu auprès de la postérité le mérite d’une pensée poursuivie avec une merveilleuse persévérance à travers des obstacles qui auraient arrêté les hommes les plus résolus. Parce que sa vie a fini par une catastrophe, l’opinion, qui suit volontiers le succès, n’a voulu voir qu’un avortement dans cette longue carrière où sa main soutint sur la tête d’un prince français la chancelante couronne contre laquelle conspiraient à l’envi les armes de l’Europe, les méfiances de l’Espagne et le découragement de la France.

Il est difficile de décider si c’est pour elle un malheur ou un avantage de figurer dans la galerie du duc de Saint-Simon. Ce portrait, composé avec une liberté dont la femme a souffert, la montre dévorée de la soif de la puissance, sans laisser même soupçonner l’important service qu’elle rendit à ses deux patries. Mme des Ursins a été peinte par le grand maître non point en buste, mais en pied, avec cette débauche de couleurs heurtées qui donne à ses tableaux plus de vie que de vérité, plus de relief que de perspective. Si dans cette étincelante peinture la grande dame apparaît dans une majesté un peu théâtrale, le but national qu’elle poursuit n’est aucunement indiqué, omission grave, mais naturelle, chez un homme à qui l’observation passionnée des détails dérobe presque toujours les vues d’ensemble, et qui n’est le premier des portraitistes que parce qu’il est le moins sûr des peintres d’histoire. À sa suite est arrivé Louville, sorte de Saint-Simon au petit pied, esprit atrabilaire autant qu’écrivain incisif, tout meurtri des coups reçus dans la lutte engagée contre la camarera mayor au sein du palais, et qui voudrait transformer en vile intrigante l’implacable rivale qui l’a chassé, afin de dominer sans partage un jeune couple longtemps ballotté entre des influences contraires.

Mme des Ursins avait quelque droit d’attendre plus de justice de la part des écrivains espagnols ; mais elle eut constamment aux