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LA
REVOLUTION HAÏTIENNEÎ
DE 1859

CHUTE DE L'EMPEREUR SOULOUQUE
LE PRESIDENT GEFFRARD



La comète a fait des siennes : Haïti a perdu son deuxième empereur. Le grotesque et lugubre cauchemar qui, depuis bientôt onze ans, évoquait en plein soleil des Antilles les incohérentes visions d’une nuit de Valpurgis a cessé, comme tous les cauchemars, par le simple fait du réveil. Le soir du 14 janvier 1859, toutes les anxiétés, les terreurs, les douleurs de ces onze ans s’amassaient en un formidable crescendo, comme au cinquième acte d’un mélodrame, pour rehausser l’effet de la catastrophe finale. Quelques heures après, le parterre, envahissant les coulisses, se passait en riant, de la main à la main, les fantasques oripeaux que l’illusion de la scène lui avait fait prendre au sérieux, et, comme des comédiens qui, la pièce finie, s’en iraient souper en famille, traîtres et captifs, grands vassaux et truands, graciosos et bourreaux fraternisaient autour de la table où Geffrard les avait conviés à signer les premiers actes de la présidence. Le premier rôle et son confident manquaient néanmoins au rendez-vous ; ils avaient décampé avec la recette[1]. Les morts non plus ne reparaissaient pas.

  1. Pour Soulouque, il y a cette réserve à faire qu’il n’a guère emporté que les titres de sa fortune, laquelle consistait surtout en propriétés immobilières, aujourd’hui confisquées.