Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/148

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

se place une antique et touchante cérémonie. C’est la bénédiction donnée au peuple par les descendans de la famille d’Ahron. À peu de chose près, cette cérémonie se pratique comme elle se pratiquait autrefois, à pareil jour, dans le temple de Jérusalem. Dans chaque communauté juive, il est des familles qui ont conservé le nom de Cohen ou Cohanim[1] comme descendans d’Ahron, d’autres celui de Lévi, comme descendans de la tribu du même nom. Les lévites, on le sait, étaient les serviteurs de la famille sacerdotale. Donc en ce jour de kippour, vers trois heures et demie, les Lévi présens dans l’assemblée s’avancèrent du côté de l’arche sainte. L’un d’eux tenait d’une main une aiguière pleine d’eau, de l’autre un bassin. Ensuite, et du même côté, s’avancèrent les Cohanim de la communauté. Chacun des Lévi versa alternativement de l’eau sur les deux mains de chacun des Cohanim. Ainsi jadis les lévites servaient les prêtres et les aidaient dans leurs pieuses fonctions. Les Lévi retournèrent à leur place. Les Cohanim, ainsi purifiés, montèrent lentement les degrés qui conduisent à l’arche sainte. Tout à coup le ministre officiant appela les Cohanim. Alors ceux-ci, après s’être couvert la tête du taleth, se tournèrent du côté du peuple, qui baissa les yeux. Il n’est pas plus permis de regarder en ce moment les Cohanim qu’il n’est permis, le jour du rosch haschonnah, de regarder l’homme qui sonne du schophar, car alors l’esprit divin plane sur la tête du sonneur de schophar, comme maintenant il rayonne sur le front des Ahronides. Ceux-ci, écartant les doigts de chaque main de façon qu’il y en eût trois d’un côté et deux de l’autre, les étendirent vers les fidèles, et en chœur, sur un air traditionnel, prononcèrent la bénédiction, qui est celle-là même que Dieu dicta à Moïse[2] pour être enseignée aux Ahronides. C’était la même bénédiction que donnaient jadis les prêtres au peuple alors que le temple était debout : « Que l’Éternel te bénisse et te prenne sous sa garde ! Que l’Éternel fasse luire sa face sur toi et te fasse grâce ! Que l’Éternel tourne sa face sur toi et te donne la paix ! »

Le kippour se termine par la récitation d’une touchante prière, celle de la nehila, prière finale, comme l’indique le mot hébreu. À ce moment, les premières ombres de la nuit envahissent déjà le temple. Alors, comme dernier acte de cette grande journée, le ministre officiant, au milieu du silence universel, proclame l’antique dogme de l’unité de Dieu, qui est comme la devise d’Israël : « Écoute, Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est un[3]. » Et le peuple répète ce verset avec un accent d’enthousiaste conviction. Le schophar retentit

  1. Cohen en hébreu signifie pontife.
  2. Nombres, ch. VI, V. 24, 25, 26.
  3. Ce sont ces paroles qu’on fait répéter aux agonisans. La grande tragédienne Rachel mourut en les récitant.