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et la libre circulation du travail, Il voulait aussi la centralisation du service de l’assistance publique et la présentation annuelle au parlement d’un budget des pauvres qui permît à la législature d’avoir toujours l’œil ouvert sur leurs intérêts. En ces diverses matières, l’éminent homme d’état devançait l’opinion générale et professait des principes dont il ne lui fut pas donné de voir l’application. Non content de demander l’abolition de la loi de domicile, Pitt voulait encore pour les ouvriers des allocations à titre de supplément de salaire, des avances de fonds pour les mettre à même d’acheter de la terre, du bétail, une part d’intérêt dans un commerce ; il réclamait enfin, des secours pour les petits propriétaires. On peut supposer qu’en faisant de pareilles motions Pitt en espérait bien le rejet, comptant que sa popularité en recueillerait tout le bénéfice. Quoi qu’il en soit, le bill de 130 articles contenant ces diverses propositions échoua sous les sarcasmes de Jérémie Bentham, qui, dans un pamphlet publié en 1797 contre les nouvelles taxes, les extensions, réclamées par le ministre, les appelait assez plaisamment l’article de l’incapacité, le denier de la vache et l’assistance de l’opulence.

Les abus déjà existans suffisaient d’ailleurs pour rendre plus lourd l’impôt du paupérisme, et durant l’exercice 1802-3 il ne s’élevait pas à moins de 106 millions de francs. Il avait plus que doublé en dix-sept ans. Les décrets de Berlin et de Milan, qui établirent le système continental, portèrent au commerce et par suite aux classes ouvrières un coup terrible dont le gouvernement s’efforça d’atténuer les effets en empêchant l’intercourse des pays maritimes avec la France et avec les territoires soumis à sa domination. Cette tentative fut plus funeste qu’avantageuse, car elle amena entre la Grande-Bretagne et les États-Unis d’Amérique une guerre également désastreuse pour les deux pays, et qui, commencée en juin 1812, ne fut terminée qu’en 1814 par le traité de Gand. En Europe, les événemens de 1803 à 1815 entraînaient en outre d’énormes dépenses, surtout pendant les dernières années de la lutte, où l’Angleterre eut à stipendier les armées du continent. Le montant annuel des impôts, qui avait été de 35 millions de livres sterling au temps de la paix d’Amiens, en 1802, était en 1815 de 72 millions de livres (1,805,000,000 de francs). Une autre ressource de 6 milliards de francs en capital provenait d’un emprunt et des bons de l’échiquier émis dans l’intervalle de 1802 à 1816. Dans ce même laps de temps, l’ensemble des dépenses annuelles excéda 2 milliards 1/2 de francs, et le 1er février 18171a dette nationale s’élevait à près de 19 milliards.

Malgré cette absorption de capital, les forces productives du