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pouvoir absolu. Ce n’est pas tout : dans le mouvement italien à la tête duquel il s’est mis avec tant de résolution depuis 1856, le roi Victor-Emmanuel a eu, dans ses états et au dehors du Piémont, des auxiliaires avec lesquels il doit compter, et qui ne se laissent pas congédier d’un geste de la main. Certes, vis-à-vis de l’empereur, cette apologie du roi de Sardaigne est superflue. Dans son voyage à Plombières, M. de Cavour ne s’était pas sans doute proposé d’entretenir uniquement l’empereur de la flore des Alpes : l’homme d’état piémontais n’a point dû cacher à son hôte auguste les moyens d’action qu’il préparait, sur lesquels il s’appuyait, et l’empereur est mieux renseigné que personne à cet égard. Le public ignore peut-être que parmi ces moyens d’action figurait cette association dont on annonçait l’autre jour la réorganisation, et qui avait à sa tête M. La Farina et le général Garibaldi. Cette association, avant l’explosion de la guerre, correspondait avec quatre-vingt-quatorze comités établis dans les diverses parties de l’Italie… Bien qu’elle fût ce que l’on appelle un instrument révolutionnaire, cette association a rendu le service de supplanter le mazzinisme, et de discipliner autour d’un drapeau monarchique et derrière des hommes politiques énergiques, mais sensés, les passions du patriotisme italien, égarées jusque-là dans des conspirations désespérées. Cette association n’était point groupée autour de l’idée fédérative ; elle était franchement unitaire. C’est elle qui enrôlait ces volontaires de l’indépendance qui venaient s’organiser en Piémont, tandis que la diplomatie européenne travaillait, comme aujourd’hui, à la réunion d’un congrès. Cet enrôlement de volontaires venus de toutes les parties de l’Italie était aussi un moyen révolutionnaire : ce fut sur le désarmement de ces corps francs, refusé par le Piémont avec notre assentiment, que l’Autriche posa son ultimatum de guerre. Or ces volontaires toscans, romagnols, modénais, n’étaient point des fédéralistes, et venaient ouvertement combattre pour l’unité de l’Italie. Est-il besoin de rappeler ce qui s’est passé depuis la paix ? est-il nécessaire de parler de ces populations, de ces classes éclairées, de cette élite sociale, intellectuelle et industrielle de l’Italie centrale, qui, par des manifestations aussi résolues que régulières, s’est compromise vis-à-vis des familles souveraines qu’il s’agit aujourd’hui de restaurer ? Si nous revenons sur des faits si connus, c’est simplement pour montrer que de même qu’il n’est point seul responsable de ce qui est arrivé, le roi Victor-Emmanuel n’a pas seul le pouvoir de refaire en Italie des situations si profondément troublées. Nous ne savons si sa conversion personnelle aux idées que l’on veut faire prévaloir demande du temps : en tout cas, il lui en faut beaucoup, et l’on doit certes lui en accorder pour obtenir la conversion des autres et concilier ce qu’il nous doit avec ses devoirs de roi constitutionnel et de chef de ces patriotes qui ont formé jusqu’à ce jour le parti de l’indépendance et de la liberté italienne. Le temps, l’autorité pacifique d’une délibération européenne, la valeur sérieuse des combinaisons qui sont recommandées aux Italiens, surtout si les décisions du congrès prouvent qu’elles sont vraiment praticables, voilà, suivant nous, des influences suffisantes sur lesquelles nous devons compter les uns et les autres pour obtenir la pacification de l’Italie et pour modérer notre découragement ou nos impatiences.