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laquelle est superposé le calcaire. Si des cavités se sont ainsi formées à la base des falaises, les éboulemens ont dû se succéder rapidement, et les débris ont dû être emportés d’autant plus vite que, quand le cap de La Hève était beaucoup plus saillant et l’embouchure de la Seine beaucoup plus profonde qu’aujourd’hui, le cap donnait plus de prise aux attaques des flots. La plaine de Leure n’est pas autre chose que le principal dépôt des débris des falaises qui s’élevaient sur l’emplacement de la petite rade. Les galets livrés aux flots par ce terrain se sont rangés sur la limite du courant qui les entraînait en un long bourrelet qui, s’enracinant au pied du cap, s’est allongé à chaque progrès des destructions qui l’alimentaient ; il poussait devant soi dans l’embouchure de la Seine la pointe mobile du Hoc. Derrière cette digue naturelle régnait un calme favorable à la paisible accumulation des matières ténues qui ont formé le sol intérieur de la plaine. La perte de l’atterrage d’Harfleur a été la conséquence de la formation de la plaine de Leure : large et profond tant qu’il a été curé et rafraîchi par les courans directs qui lavaient auparavant le pied des falaises de Graville, cet atterrage a dû se combler aussitôt qu’ils se sont déplacés sous la pression des empiétemens de la pointe du Hoc ; la profondeur ne pouvait pas se maintenir longtemps dans une anse où s’arrêtaient à chaque marée des eaux chargées de sable et de limon.

Les éboulemens des falaises ont naturellement diminué à mesure que leurs dentelures s’émoussaient. Maintenant que la côte est rangée sur un alignement uniforme, il n’y a plus de raison pour que les falaises qui avoisinent Le Havre se dégradent plus rapidement que celles qui s’en éloignent. Les ingénieurs des ponts et chaussées ont constaté que de 1800 à 1847 celles de La Hève ont reculé de 14 mètres, ou en moyenne de 30 centimètres par an. Ces observations concordent avec celles que Lamblardie appliquait en 1789, dans son remarquable Mémoire sur les Côtes de la Haute-Normandie, à la ligne entière des falaises, et il en existe une confirmation presque mathématique dans le compte qui se tient aujourd’hui des quantités de galets qui arrivent devant le chenal du Havre. Soigneusement recueillies pour le lestage des navires, ces matières forment annuellement un cube de 12,000 mètres. Or les falaises tributaires de l’embouchure de la Seine sont plus élevées que celles qui gisent au nord du cap d’Antifer ; elles atteignent une hauteur moyenne d’environ 100 mètres. Sur une longueur de 23 kilomètres 30 centimètres de leur épaisseur, elles laisseraient tomber chaque année à la mer une masse de 690,000 mètres cubes, et comme le galet entre pour un trente-troisième dans leur structure, sa part serait de 21,000 mètres. L’emploi de 12,000 mètres au lestage peut