Page:Revue des Deux Mondes - 1859 - tome 24.djvu/453

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ces bergers et ces pasteurs forment une classe à part. L’été, ils vivent isolés avec leurs troupeaux sur les hauts pâturages ; l’hiver, ils descendent jusque dans la plaine, où ils font accord avec les fermiers pour nourrir leur bétail. Les bergers sont mal vus et presque traités comme des voleurs, parce que leurs moutons font beaucoup de tort aux récoltes du pays qu’ils parcourent ; aussi leur nombre diminue-t-il sans cesse, et beaucoup, de communes les repoussent inexorablement de leur territoire. Les mandriani, malgré leurs mœurs rudes et leur extérieur inculte, n’en ont pas moins une certaine aisance. Leur troupeau seul représente déjà un capital assez considérable ; il en est même qui possèdent une centaine de mille francs. La race bovine, généralement peu soignée, est de qualité très médiocre. Les fermiers de la plaine irriguée, qui n’élèvent point de jeunes bêtes, refusent d’acheter celles du haut pays et s’adressent de préférence à la Suisse. Les foires de la Valteline n’ont d’importance que par le bétail qui vient d’au-delà des Alpes.

La Haute-Lombardie le cède en outre aux cantons sous un autre rapport. Tandis qu’en Suisse de puissantes forêts d’arbres résineux couvrent les montagnes jusqu’aux limites extrêmes qu’elles peuvent atteindre, en Lombardie les hauteurs sont généralement nues et déboisées. Les communes italiennes, moins prévoyantes que les communes helvétiques, n’ont pas su préserver ces bois magnifiques qui leur fournissaient jadis à profusion du combustible et des matériaux de construction, et qui, bienfait plus grand encore, retenaient la terre végétale sur les pentes, empêchaient les ravages des torrens, et diminuaient la violence des orages et la durée des sécheresses. Il est un fait curieux à noter, c’est combien tout le bassin de la Méditerranée a souffert du déboisement. La Syrie., toute l’Asie-Mineure, la Grèce, les îles de l’Archipel, la Sicile, l’île de Sardaigne, la région des Apennins, la France méridionale, tout le nord de l’Afrique, l’Espagne, avaient dans l’antiquité beaucoup plus de terres fertiles et un nombre plus considérable d’habitans que de nos jours. Les vieilles religions de l’Orient sanctifiaient l’acte de planter un arbre, et plaçaient volontiers leurs autels sur des montagnes couvertes d’épais ombrages. Il semble que la race germanique ait hérité de ses ancêtres aryens cet amour des arbres. La sylviculture est une des sciences favorites de l’Allemagne. En Angleterre, les beaux arbres sont l’objet d’un respect pieux et presque d’un culte. En Amérique, on vient de faire une loi spéciale pour protéger les magnifiques wellingtonia de la Californie, ces géans du règne végétal qui ont quatre cents pieds de hauteur et de quatre à cinq mille ans d’âge. Malheureusement ce respect des forêts semble inconnu dans le midi. Sur les 400,000 hectares de la province de Sondrio, il