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avec la bêche ou la houe, et partagé en petits compartiment affectés à quelque produit spécial, à la culture potagère par exemple.

La superficie du sol arable étant très bornée et le nombre de ceux qui veulent en avoir une part étant très grand, la terre se vend à un prix bien supérieur à sa valeur réelle. Il n’est pas rare de voir payer des parcelles sur le pied de 10,000 ou 12,000 francs l’hectare. Dans la Valteline, d’après les tableaux officiels, la valeur moyenne de l’hectare serait de 1,875 lire ; mais ce chiffre paraît de beaucoup trop faible. La propriété foncière ne rapporte guère, dans les montagnes, au-delà de 1 à 1 1/2 pour 100 au plus du prix d’acquisition. L’homme qui est sûr de joindre à la jouissance de la rente les profits du travail et l’intérêt de ses épargnes, qu’il place sans cesse en améliorations successives, peut donner un prix devant lequel recule l’acquéreur qui devrait se contenter de la rente seule. Certains biens-fonds acquis, soit depuis longtemps, soit par héritage, et ceux qui ne peuvent être avantageusement exploités par le propriétaire, sont loués à des conditions très diverses. Les prairies et les parcelles cultivées se louent pour une somme fixe en argent. Quand l’occupation comprend quelques hectares, elle est donnée à mi-fruit ; mais les propriétaires depuis un certain temps réclament du métayer plus de la moitié de la récolte de la soie, ou bien ils exigent pour un certain poids de feuilles de mûrier un poids déterminé de cocons, ce qui met tout le risque à la charge du cultivateur. Les contrats agraires deviennent ainsi de plus en plus lourds pour les locataires. Les baux héréditaires (contratti di lîvello) sont fréquens dans cette région, surtout dans la Valteline : ils obligent le tenancier à une prestation en nature, fixée à l’origine soit en vin, soit en céréales, soit en foin, d’après ce que la terre produisait à l’époque où le contrat est intervenu, et dans certaines éventualités ils entraînent quelques redevances extraordinaires [laudemii). Ces baux ont l’inconvénient de forcer le locataire à cultiver toujours les mêmes produits et d’empêcher par suite, jusqu’à un certain point, les progrès de l’agriculture ; en revanche, ils donnent au locataire une sécurité qu’il sait apprécier.

Presque toutes les communes possèdent sur les hauteurs de vastes pâturages couverts de neige l’hiver, mais qui, l’été, peuvent nourrir un assez grand nombre de moutons et de bêtes à cornes : une partie de ces pâturages est réservée à l’usage des habitans de la commune ; ils y font paître leur bétail, qu’ils entretiennent à l’étable pendant le temps des neiges avec le foin recueilli soigneusement sur leurs petites propriétés. La partie non réservée est louée aux pastori, qui possèdent des moutons, et aux mandriani, appelés aussi malghesi et berganini, qui possèdent des vaches et des bœufs.