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haut, avaient servi d’intermédiaires pour l’envoi à Pékin des notes remises par MM. Oliphant et de Contades. Voici le texte de la dépêche que ces deux mandarins écrivirent à lord Elgin :


« Nous nous sommes empressés de transmettre à Pékin, sous pli cacheté, la communication que votre excellence nous a envoyée pour le secrétaire d’état Yu-ching. Nous venons de recevoir du secrétaire d’état une dépêche ainsi conçue :

« J’ai lu la lettre que vous m’avez adressée et me suis mis au courant de toute l’affaire. Dans la neuvième lune de l’avant-dernière année (octobre 1856), les Anglais ont tiré le canon sur la ville de Canton ; ils ont bombardé et incendié les édifices publics et les maisons particulières, attaqué et escaladé les forts. La bourgeoisie et le peuple de la ville et des faubourgs ont entouré le palais de Yeh, en suppliant le vice-roi de faire une enquête et de prendre des mesures de sûreté. Cela est connu de tous les étrangers. L’enlèvement d’un ministre et l’occupation d’un de nos chefs-lieux de province sont des faits sans exemple dans l’histoire du passé ! Sa majesté l’empereur est magnanime et plein de prudence. Il a daigné, par décret, dégrader Yeh du poste de gouverneur-général des deux Kwangs à cause de sa mauvaise administration, et envoyer à Canton son excellence Houang, en qualité de commissaire impérial, pour examiner l’état des choses et décider impartialement. Il faut donc que le ministre anglais se rende à Canton pour y soumettre ses propositions. Nul commissaire impérial ne peut traiter d’affaires à Shang-haï. — Comme les règlemens du Céleste-Empire tracent à chaque fonctionnaire ses limites d’attributions, et que les serviteurs du gouvernement chinois doivent se conformer religieusement au principe qui leur interdit tous rapports avec les étrangers, il ne serait pas convenable que je répondisse en personne au ministre anglais. Veuillez donc lui faire part de tout ce que je viens de vous dire, et par ce moyen sa note ne demeurera pas sans réponse. »

« Nous remarquons qu’à la date où votre excellence écrivait de Canton, elle ignorait encore que sa majesté l’empereur avait envoyé un autre commissaire impérial en la personne de Houang, le nouveau gouverneur-général, pour se livrer à une enquête et pour prendre une décision sur l’ensemble des affaires. Nous nous empressons donc de vous informer que Houang est déjà en route pour Canton, afin que, d’après cet avis, vous puissiez suivre la marche qui est indiquée, et qui doit certainement aboutir à une solution amiable de toutes les difficultés. »


On risquerait de se tromper, si l’on voyait dans cette dépêche, si singulière qu’elle paraisse, un parti-pris d’impertinence. Il est tout à fait exact que, selon les idées chinoises, les communications avec les étrangers doivent passer par l’intermédiaire du vice-roi de Canton, qui est expressément investi à cet effet du titre de commissaire impérial. Du reste, comme on l’avait prévu, Yeh était dégradé « pour sa mauvaise administration ; » un autre commissaire était envoyé à Canton, plutôt comme un juge de paix chargé d’entendre