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un haut dignitaire pour conférer avec les ministres, et si on leur accordait deux ou trois faveurs d’une importance minime, on les éloignerait sans doute, et l’on n’entendrait plus parler d’eux. — D’après ce modeste avis, l’empereur charge le dignitaire Tsoung-lun d’aller à Tien-tsin pour en finir, ce qui, au rapport des mandarins, cause aux barbares une joie inexprimable. Précisément le vent du nord souffle depuis plusieurs jours, il va bientôt geler, et ces étrangers ont une telle horreur du froid qu’ils seront enchantés de retourner vers le sud, surtout si on leur promet d’y examiner quelques-unes de leurs propositions. Tsoung-lun arrive, prend la direction des pourparlers, tient une conférence avec MM. Mac-Lane et Bowring, et adresse à sa cour des rapports absolument identiques, et pour le fond et pour la forme, à ceux des mandarins. « Ce sont des impertinens s’écrit-il ; quelques-unes de leurs propositions sont réellement injurieuses. Cependant, si on ne leur faisait pas une seule concession, ils s’en iraient mécontens et très aigris ; ils n’oseraient certainement pas se porter à des actes de violence, mais il faut penser que la révolte du sud n’est pas encore apaisée, et qu’il vaut mieux ne pas compliquer les affaires. Du reste, il est bon de se préparer à toute éventualité et de s’armer secrètement. Les barbares craignent les forts et insultent les faibles ; c’est leur caractère. » Après avoir exprimé cet avis, Tsoung-lun sollicite les instructions de l’empereur en lui envoyant toutes les pièces du débat, y compris les notes remises par les ministres.

Quelques jours après, un décret impérial, approuvant pleinement les propositions du mandarin, parvient à Tien-tsin. « Les demandes des barbares, lisons-nous dans ce document, sont insultantes et impertinentes à l’excès, on doit les repousser comme inconvenantes, article par article. Tout a été réglé par les traités. Le Yang-tse-kiang ne peut être ouvert. Ils veulent avoir la faculté de résider à Pékin et d’entreposer des marchandises à Tien-tsin ! C’est le comble de la folie : la capitale est une ville sainte !… Ils disent qu’à Shang-haï leur commerce a souffert par suite du voisinage des rebelles, et ils demandent une remise des droits de douane. Étrangers et sujets sont égaux devant notre justice, et nous éprouvons un sentiment particulier de bienveillance pour les gens qui viennent de loin. Nous serons disposé à faire la remise des droits, mais il faut que cette affaire soit examinée dans les provinces par les autorités compétentes, dont les rapports éclaireront notre décision. De même pour le tarif du thé à Canton, de même pour les querelles particulières qui se sont élevées dans quelques ports entre barbares et Chinois. Que Tsoung-lun et ses collègues donnent aux ministres étrangers ces diverses explications, comme si elles venaient de leur seule initiative ;