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qu’ils leur commandent de retourner à Canton. Si les ministres réclament contre la désignation de cette ville, on peut les autoriser à se mettre en rapport à Shang-haï avec le gouverneur-général Hiang. En tout cas, qu’ils se gardent bien de reparaître à Tien-tsin. On les y a cette fois accueillis par considération pour les fatigues qu’ils ont endurées sur mer ; mais, s’ils y reviennent, on n’aura point pour eux les mêmes égards… » Ce décret est reçu avec les marques de la plus vive émotion par les mandarins, qui, dans leur rapport du 10 novembre, remercient l’empereur de sa clémence, l’informent qu’ils ont obéi à ses instructions, et que MM. Mac-Lane et Bowring sont enfin partis. Tsoung-lun croit pouvoir affirmer à son souverain qu’au fond ces barbares tenaient par-dessus tout aux intérêts de leur commerce à Canton, à Shang-haï, dans le Yang-tse-Kiang, et que leurs autres demandes, telles que la résidence à Pékin, etc., n’étaient point sérieuses. Ils doivent donc être très satisfaits des promesses d’enquête qui leur ont été données. Cependant ces barbares sont si inconséquens, qu’il paraît nécessaire de prendre des précautions contre leurs projets insidieux, et d’exercer sur leurs manœuvres une grande vigilance.

À cette visite des ministres de l’Angleterre et des États-Unis se rattache un incident qui nous intéresse plus directement. Le secrétaire de la légation française, M. Klecszkowski, avait accompagné à Tien-tsin MM. Mac-Lane et Bowring. « Lors de notre entrevue, écrit le ponctuel Tsoung-lun, nous avons vu tout à coup apparaître un autre barbare qui nous a présenté sa carte de visite. C’était Klecszkowski, envoyé français. Il comprenait le chinois, et le parlait couramment. On a fixé un jour pour lui donner audience… Ces barbares sont si perfides que nous n’étions pas bien sûrs que celui-ci fût réellement un Français ; il n’était peut-être qu’un compère déguisé dans quelque intention perverse… » Le mandarin ajoute que M. Klecszkowski avait présenté une dépêche adressée aux ministres de Pékin, mais qu’on la lui avait renvoyée en l’invitant à s’expliquer verbalement sur l’objet de sa visite ; qu’enfin il réclamait par écrit la mise en liberté d’un Français arrêté dans la province du Chen-si ; copie de sa lettre était placée sous les yeux de l’empereur. — Il s’agissait sans doute de la mise en liberté d’un de nos missionnaires : Nous aurions voulu pouvoir à cette occasion connaître exactement ce que l’empereur et les mandarins pensent de la religion chrétienne ; malheureusement cette partie de la correspondance chinoise ne fournit à cet égard aucune explication. Dans un autre document saisi à Canton se trouvent quelques lignes sur les sectateurs de Jésus. Un mandarin admis à l’audience de l’empereur rend compte des questions qui lui ont été faites par son auguste interlocuteur. Interrogé