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plus de doute et d’anxiété, et par cela même un jour nouveau et plus favorable se répand sur l’ensemble et le fond des choses. Pour la première fois depuis longtemps, et pour un moment du moins, l’on respire, car pour la première fois depuis longtemps Ton est enfin en présence d’un fait arrêté, positif, palpable. Sans doute la réunion des puissances n’aura pas lieu le 15 décembre, ainsi qu’on l’avait d’abord espéré : il faudra attendre quelque temps encore ; mais l’année 1860 aura infailliblement le congrès pour ses étrennes. Profitons de cette éclaircie, qui permet aux intérêts et aux esprits de reprendre haleine, pour examiner les difficultés qui passent momentanément au second plan, et dont la diplomatie européenne est désormais chargée de nous tirer sains et saufs.

Nous ne nous trompions point lorsque nous écrivions, il y a quinze jours : « Quelle est la position que la France doit et va prendre vis-à-vis de l’Angleterre ? C’est à cette question que la France et son gouvernement devraient se hâter de faire une réponse claire et catégorique. » Nous ne nous trompions pas non plus en ajoutant : « Nous aimons à croire que le gouvernement déplore, comme nous, les excitations qu’une presse ignorante et grossière répand journellement dans l’opinion contre l’Angleterre. » Cette nécessité d’une explication nette et décisive sur la direction de notre politique était ressentie partout. Le plus puissant organe de l’opinion anglaise, le Times, l’établissait de son côté presque en même temps que nous, et, puisant dans la législation qui régit la presse en France un argument qu’il nous est douloureux de voir invoqué par l’étranger, il ne craignait point de demander à notre gouvernement s’il acceptait la responsabilité des polémiques de nos journaux contre l’Angleterre. Heureusement le gouvernement français avait vu le mal avant même qu’il ne lui eût été si énergiquement dénoncé, et il s’était préoccupé de le faire cesser plusieurs jours avant que cette interpellation directe lui eût été adressée, car la circulaire de M. le ministre de l’intérieur, destinée à y mettre un terme, porte la date du 12 novembre. Le seul succès du Times, qui le premier a eu connaissance de cette circulaire, a donc été d’en hâter la publication, ce dont personne ne lui saura mauvais gré. Quant à nous, si nous avions bien jugé la nécessité de la situation, nous avions eu aussi la bonne fortune de ne point nous méprendre sur la véritable pensée du gouvernement. La circulaire du ministre de l’intérieur a fait connaître cette pensée. Le ministre y décrit le danger que nous signalions : les journaux ont apporté une exagération regrettable dans leurs appréciations sur l’Angleterre. L’inconvénient de ces polémiques est d’inquiéter les intérêts, d’exciter l’opinion, d’attiser les défiances et les hostilités de la presse anglaise, et quand elles sont engagées par des journaux qui défendent habituellement la politique impériale, de fournir à l’étranger le prétexte d’en faire remonter la responsabilité jusqu’au gouvernement. En défendant le droit et les intentions de la France, la presse doit ménager les susceptibilités d’une grande nation, et éviter de compromettre les intérêts de nos alliances et le maintien de la paix. Les préfets doivent transmettre ces avis aux journaux sur lesquels ils peuvent agir, et signaler au ministre les journaux d’opposition qui se mettraient trop ouvertement en désaccord avec la pensée du gouvernement sur ce point. Il y a deux choses dans cette circulaire :