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vaste publication de format atlantique, mise au jour l’’année dernière seulement, dont le mérite est incontestable comme l’utilité : c’est le plus complet et le meilleur des documens de ce genre publiés dans l’Amérique du Sud ; il y a sans doute plusieurs pays européens qui n’en possèdent pas de semblables.

Le chiffre de population révélé par le cens de 1854 est 1,439,120. Ce résultat a quelque peu désenchanté les Chiliens, qui se représentaient leur pays comme beaucoup plus peuplé. On entend dire parmi eux que les opérations ont été exécutées par un jour de pluie abondante, une espèce de déluge, qui a contrarié les investigations des commissaires, et qu’on est resté au-dessous de la réalité. Le recensement triennal de 1857 a donné le chiffre de 1,558,319. C’est une augmentation de 8 1/3 pour 100, ce qui est considérable pour une période de trois années. Les relevés statistiques dressés en 1844 accusaient une population de 1,083,801 habitans seulement. En prenant pour base ces chiffres, assez incertains malheureusement, on calcule au Chili que le doublement de la population doit s’effecteur en moyenne dans le cours d’une trentaine d’années[1]. Il ne faudrait pas prendre à la lettre cette appréciation : il est dans la nature des calculs de ce genre d’être incessamment modifiés par des redressemens d’erreurs ou des éventualités imprévues. Toutefois on est autorisé à dire en thèse générale que la société chilienne est dans une phase de croissance rapide, signe incontestable de la prospérité publique ; les faits qu’on y observe ne s’éloignent pas beaucoup des phénomènes de reproduction observés aux États-Unis.

Une chose remarquable dans l’examen des documens que j’ai sous les yeux est le grand nombre des enfans comparativement à celui des adultes depuis la naissance jusqu’à quinze ans. La proportion, qui est de 33 pour 100 dans huit des principaux états de l’Europe, dépasse 42 pour 100 au Chili. Il est assez naturel que les premiers âges soient plus largement représentés dans une société où circule une sève jeune et vivace ; mais il ne suffit pas, pour l’accroissement des populations, que la fécondité y soit surexcitée par les progrès du bien-être matériel ; il faut encore que ces petits êtres venant au monde soient conservés et convenablement développés. Or, jusqu’en ces derniers temps, la mortalité des enfans au Chili a dépassé de beaucoup les proportions ordinaires. À quoi attribuer ce triste résultat dans un pays renommé pour sa salubrité, où les travailleurs

  1. Suivant les supputations les plus récentes, celles de M. Legoyt, consignées dans le Dictionnaire de l’Économie politique, la période de doublement pour seize des principaux états de l’Europe a été en moyenne de 100 ans ; ce terme varie entre 49 ans pour la Grande-Bretagne, y compris l’Irlande, et 185 ans pour la Bavière. La période est de 82 ans pour la Belgique et de 128 ans pour la France.