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de ses frontières algériennes par des tribus du Maroc ; l’Espagne se plaint d’attaques quotidiennes contre ses présides. En dehors de ces deux griefs particuliers, toutes les puissances maritimes, qui ont souffert de la piraterie des montagnards du Rif, demandent contre eux justice et protection. Ce sont là autant d’actes d’accusation dont il convient d’apprécier la portée et de prévoir les conséquences.

La question de la frontière algérienne paraît une affaire vidée. Un rapport du général de Martimprey, qui commandait le corps expéditionnaire, a raconté l’origine et les phases diverses de la rapide campagne qui a fait justice des empiétemens des Marocains. Depuis Nemours jusqu’au désert, les tribus ont expié leurs attentats ; Beni-Snassen, Mahias, Angades, Beni-Guil, ont demandé l’aman, payé des contributions de guerre, livré des otages ; la ville marocaine d’Oudjda, centre de recel pour tous les vols qui se font dix lieues à la ronde, a racheté à prix d’argent sa complicité ; son caïd a été enlevé et conduit à Toulon. L’armée victorieuse a construit une pyramide monumentale sur le plateau d’Aïn-Taffoural, et célébré sur le champ de bataille d’Isly même des souvenirs immortels. Les mouvemens de notre armée avaient commencé le 21 octobre, et le 11 novembre les troupes repassaient la frontière : en trois semaines la campagne était menée à bonne fin, en dépit des ravages causés par un terrible fléau. On n’attendait pas moins de l’expérience consommée des chefs et de la bravoure des soldats ; mais quelles garanties s’est-on assurées contre le retour de pareilles agressions ? Le public n’en connaît aucune, et a droit jusque-là de réserver une complète approbation. Ce n’est pas la première fois que ces tribus pillardes sont châtiées : l’histoire de l’Algérie est remplie des leçons qu’elles ont reçues. Sans remonter bien loin, en 1852, au bruit de pareilles insultes faites à notre drapeau, le commandant de la subdivision de Tlemcen accourut sur le Khis, comme on a fait dernièrement. Il brûla aux Beni-Snassen huit villages, tua quatre cents hommes. Bientôt le caïd du Rif, Abd-el-Sadok, arriva au camp des Français au nom des Beni-Snassen et de l’empereur, prêt à souscrire à toutes les conditions qui lui seraient imposées, comme dernièrement le cheikh kabyle El-Hadj Mimoun. Sept ans après, les ennemis recommençaient leurs attaques contre nos postes, se précipitaient sur nos escadrons surpris, et promenaient triomphalement dans les rues d’Oudjda les têtes des prisonniers tombés entre leurs mains. Une expédition était à recommencer, et sur de bien plus vastes proportions, car elle réunissait vingt mille hommes au moins, déployés de la mer au désert sur une profondeur de cent lieues, où les Beni-Snassen avaient recruté des auxiliaires, sans compter leurs alliés du Rif, que nous n’avons pas atteints. Et pendant cet intervalle de sept ans une suite non interrompue de brigandages a répandu la