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son conseil, son parlement, sa tradition, et les rapports complexes qui la mêlaient à tout. Peut-être, un siècle plus tard, sous Charles VIII, sous Louis XII, cette politique aurait-elle pu changer, et une part aurait-elle pu être faite à une représentation périodique, si les guerres d’Italie n’étaient pas survenues ; il est permis d’en douter néanmoins, car plus tard encore, en 1614, si l’on étudie l’esprit qui se manifeste dans cette dernière réunion des états, on y découvre tant d’obstacles et d’incompatibilités, qu’on est tenté de croire que, tout bien examiné, les choses se sont faites chez nous comme elles ont dû s’y faire, que la France s’est développée selon son tempérament, comme l’Angleterre selon le sien, et qu’il fallait passer par Louis XIV avant d’arriver à 1789.

Nous n’avons combattu jusqu’ici que les résultats généraux que M. Perrens a lui-même expressément tirés de son travail, et qu’il a résumés soit dans les prolégomènes, soit dans la conclusion. Quant aux jugemens qu’il porte sur tels ou tels personnages, sur tel ou tel ordre de citoyens, il faudrait, pour les contrôler avec l’attention qu’ils méritent, des études nouvelles qui nous écarteraient de notre plan ; nous recommandons cette partie purement narrative du livre de M. Perrens aux amateurs studieux de l’histoire, comme représentant l’opinion extrême parmi les écrivains qui ont voulu trouver un bon côté dans les entreprises du chef révolutionnaire de 1358. À la vérité, il y a, au premier coup d’œil, dans ces jugemens une distribution d’éloges et de blâme qui, je le crains, paraîtra suspecte au lecteur. Tout ce qui tient au parti que l’auteur désapprouve est fort sévèrement traité ; les fautes du roi Jean, les mesures politiques du dauphin, le caractère et la conduite de leurs amis, de leurs conseillers, sont constamment colorés dans les tons les plus sombres, et le mal, de leur côté, paraît toujours plus probable que le bien ; au contraire Etienne Marcel, Charles le Mauvais, Robert Le Coq, et en général tous les opposans, sont blanchis autant que possible, et leurs crimes même racontés en termes moins rudes, ou atténués par la considération des temps, des motifs ou des circonstances. Même différence entre la noblesse et le peuple, et la jacquerie, sans être justifiée, est cependant si abrégée et présentée avec tant d’adoucissemens, entre les oppressions qui la précèdent et la réaction qui la suit, qu’on se sent tout surpris de la trouver presque anodine. Je dis que cette distribution si tranchée du mérite et du démérite, qui met tout le bien d’un côté et tout le mal de l’autre, est suspecte en elle-même et à première vue. Lors même qu’il en serait autrement, lors même qu’à une certaine époque toutes les extravagances et toutes les fourberies se seraient donné rendez-vous dans le palais des rois, il ne s’ensuivrait pour cela aucune condamnation générale contre la politique séculaire de la royauté. On pourrait abandonner à la réprobation de l’histoire le roi Jean et son fils et leurs ministres et leurs généraux, qu’il n’en resterait pas moins vrai que la monarchie, en son temps, a été nécessaire, qu’elle a été pour la France en particulier le plus