Page:Revue des Deux Mondes - 1860 - tome 27.djvu/251

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

appris la semaine dernière que le sénat s’est occupé, pendant plusieurs séances, d’une proposition d’un de ses honorables membres. La proposition n’était pas définie autrement par le journal officiel que comme « tendant à modifier l’article 38 du règlement du sénat. » Cette proposition, débattue pendant plusieurs séances, éveillait la curiosité. Les esprits, encore sous l’influence d’une discussion remarquable du sénat qui a été récemment livrée à la publicité et mis en goût de révélations plus étendues et plus régulières, se demandaient ce que pouvait être cette motion mystérieuse. Ne s’agissait-il pas peut-être d’une extension de publicité réclamée pour les séances du premier corps de l’état, de quelque tentative de progrès libéral ? Les têtes travaillaient. L’intérêt redoubla surtout lorsque l’on apprit que la proposition avait été adoptée par une majorité imposante. Hélas ! il eût été facile aux journaux d’épargner au public ces anxiétés, ces doutes et ces espérances. L’ignorance du public touchant l’article 38 du règlement du sénat est excusable : peu de gens savent par cœur le règlement du sénat, tout le monde ne le porte pas dans sa poche ou ne l’a pas sous la main ; mais les journaux doivent le connaître, et ils auraient pu, croyons-nous, apprendre au public, sans courir aucun danger, que l’article 38 du règlement du sénat contient les dispositions suivantes, et nulle autre : « Le président nomme les employés supérieurs du sénat. — Le grand-référendaire présente à la nomination du président les employés du service administratif ; le secrétaire du sénat, ceux du service législatif. — Le grand-référendaire nomme tous les gens de service. »

Mais revenons au corps législatif. Il n’est pourvu aux rapports de la presse avec le corps législatif que par l’article 42 de la constitution et l’article 14 du décret du 17 février. La constitution dit : « Le compte-rendu des séances du corps législatif par les journaux ou tout autre moyen de publication ne consistera que dans la reproduction du procès-verbal dressé à l’issue de chaque séance par les soins du président du corps législatif. » Le décret organique du 17 février dit : « Toute contravention à l’article 42 de la constitution sur la publication des comptes-rendus officiels des séances du corps législatif sera punie d’une amende de 1,000 à 5,000 francs. » Est-on vraiment fondé à voir dans ces dispositions une restriction qui interdise toute appréciation, toute discussion des opinions émises par les députés dans les débats du corps législatif ? Un journal, après avoir reproduit exactement le compte-rendu officiel d’une séance, trouvant dans ce document l’expression authentique des opinions représentées dans la discussion, ne pourra-t-il pas discuter lui-même ces opinions, rectifier celles qui lui paraîtront erronées, applaudir à celles qui lui paraîtront justes, critiquer ou louer, en observant toutes les convenances, les divers orateurs, combattre les vues de tel député, se fortifier de l’autorité de tel autre ? En s’intéressant et en s’associant ainsi aux travaux législatifs, la presse ne se rendrait-elle pas service à elle-même ? N’élèverait-elle pas et n’approfondirait-elle pas ses discussions, pour justifier l’influence à laquelle elle devrait prétendre ? Ne rendrait-elle pas un