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chines, et une fermentation redoutable régnait parmi eux. Les populations affamées n’écoutaient plus que la voix des chartistes ; tout annonçait une prise d’armes, elle éclata bientôt.

Dans le courant du mois d’août 1842 et quelques semaines après la clôture de la session, les comtés manufacturiers devinrent le siège de violences qui provenaient d’un concert évident. Le mot d’ordre était la cessation du travail ; le but, de rançonner les fabricans et d’amener le gouvernement à composition. Le premier rassemblement se forma à Ahston-sur-Lyne ; de là il gagna les villes voisines, puis Manchester. 40,000 ouvriers avaient quitté leurs ateliers, et bientôt il n’y eut plus dans tout le comté un seul métier en mouvement. Aux menaces avaient succédé les voies de fait ; des croisées avaient été brisées, des portes enfoncées, des boutiques de boulangers pillées. Il fallut sévir. Le commandant militaire du district arriva à Manchester avec des dragons, un corps de troupes et deux pièces d’artillerie ; les forces de la police furent mises sur pied, et trois mille constables spéciaux leur furent adjoints. Un grand nombre de membres de la ligue tinrent à honneur de remplir ce mandat. Ils témoignaient ainsi de quel œil ils voyaient cette manifestation turbulente. Quelques jours s’écoulèrent avant qu’elle fût calmée. Une charge de dragons dispersa le principal rassemblement, et la présence du canon contint les autres. Tout se réduisit dès lors à des groupes inoffensifs. On s’y plaignait hautement des hommes de la ligue en disant qu’ils étaient agitateurs la veille et constables le lendemain. On ajoutait que le gouvernement avait tort d’intervenir dans la querelle, qu’elle était toute entre les fabricans et les ouvriers, et que ceux-ci n’avaient d’autre prétention que d’obtenir des salaires uniformes sur le pied de ceux de 1839. De leur côté, les fabricans répondaient à ce défi en déclarant que leurs ateliers seraient désormais fermés, que les ouvriers n’y rentreraient que par un acte de soumission volontaire. La lassitude s’en mêlait ; après une semaine d’alerte, les troubles cessèrent sans qu’il y eût un coup de fusil tiré. Au fort de la crise, la ligue s’était réunie, et s’en rendant l’organe, M. Cobden avait nettement marqué les situations que l’on essayait de confondre ; il avait déclaré qu’entre cette agitation politique allant à l’aventure, et par d’odieux moyens, et l’agitation commerciale poursuivant un but déterminé par des procédés réguliers, il n’y avait ni complicité, ni responsabilité possible. Les conséquences de cette échauffourée furent de délivrer la ligue de voisins incommodes ; sa voix se fit mieux entendre quand il y eut moins de bruit à ses côtés.

L’ouverture du parlement en 1843 fut marquée par un incident bien fâcheux. Quelques jours avant qu’elle eût lieu, le secrétaire de sir Robert Peel avait été tué d’un coup de pistolet par un Écossais