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apparentes. Les inconséquences de la raison valent mieux que les conséquences de la logique, parce qu’elles sont au profit du bon sens.

Ici je dois parler d’une tentative que fait en ce moment la papauté pour échapper à cette contradiction apparente. Le pape vient d’appeler au commandement de ses troupes un de nos anciens et de nos plus illustres généraux d’Afrique, le général Lamoricière. Il m’est impossible de concevoir pourquoi quelques orateurs du sénat et du corps législatif ont vu avec humeur le général Lamoricière accepter le commandement qui lui a été confié. Le gouvernement français a autorisé le brave général à servir à l’étranger, puisque les circonstances l’empêchaient de servir en France. Tout est donc régulier. J’ajoute que tout est conforme à la bonne politique française. Si le pape peut à Rome se passer de nos soldats, il est bon que ce soit à l’aide de l’activité et des talens d’un de nos généraux français, et s’il ne peut pas s’en passer, il est bon encore que ce soit un général français qui, à la tête des troupes pontificales, se prête à la combinaison des deux forces qui représentent l’indépendance de la papauté. J’entends dire par des amis sincères et dévoués du saint-siège qu’à Rome ce n’est pas seulement un général français qu’il faudrait ; il y faudrait aussi quelques administrateurs français. Je ne sais pas jusqu’à quel point l’esprit italien et l’esprit romain accepteraient de bon cœur ces moniteurs d’administration et de comptabilité française. Ce que je sais, c’est que, si le saint-siège entrait dans cette voie de réformation volontaire, la France aurait bien tort de s’en plaindre. Si la papauté peut se passer de nous à l’aide de nous, où est le mal ? Si l’administration romaine se francise, et par conséquent se sécularise de bonne grâce, où est le mal ? N’est-ce pas là ce que nous demandons depuis 1831 ? Il est possible que cela se fasse un peu par pique contre la France : qu’importe ? le bien n’en sera pas moins fait, et par des mains françaises.

De deux choses l’une : ou la tentative du général Lamoricière réussira, ou elle échouera. Supposons qu’elle échoue, et c’est là, l’espoir malveillant de quelques personnes : cet échec ne sera pas assurément un motif pour nous retirer de Rome. Quand il sera bien prouvé qu’à cause de la difficulté des temps le pape est en ce moment impuissant à se protéger lui-même, ce ne sera pas une raison de plus pour abandonner Rome et la papauté aux chances de cette faiblesse. La république française de 1849 ne l’a point fait ; aucun gouvernement français ne le fera. Il y a pour cela une raison fort simple : c’est que les embarras où se trouve le pape n’étant jamais les embarras d’un prince isolé, mais des embarras européens, il est impossible que, bon gré, mal gré, la France n’y prenne