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la production la plus considérable et la plus utile, résultat qui ne peut être atteint que par le régime de la futaie, le seul que comporte une culture intelligente et bien entendue. Ce n’est pas tout, il faut encore choisir la révolution la plus avantageuse. Quoique traitée en futaie, une forêt donne des produits fort différens si on l’exploite deux fois à l’âge de cent ans, au lieu de la laisser atteindre celui de deux cents. La préférence qu’on doit accorder à l’une ou à l’autre de ces révolutions dépend de la nature du sol, de la longévité des essences, de toutes les circonstances locales qui influent sur la végétation. Tandis que le chêne peut, dans les sols argileux et profonds, prospérer pendant trois siècles et plus, il ne dépasse guère cent cinquante ans dans les terrains calcaires ou siliceux ; les pins ne végètent pas au-delà de cent vingt ans, et les bois tendres périssent le plus souvent avant leur cinquantième année. En général, il vaut mieux reculer le terme de l’exploitation jusqu’au moment où la végétation commence à se ralentir, parce que c’est alors que l’accroissement annuel moyen est le plus considérable, et la production ligneuse portée au plus haut point.

À opérer ainsi, il y a double avantage. D’abord on satisfait aux besoins de la société en consacrant à la culture des bois la plus petite étendue possible, et l’on n’enlève point inutilement à l’agriculture des terrains dont elle pourrait tirer parti différemment. En second lieu, l’état reste dans la limite de ses attributions en ne demandant à ses forêts que les produits à l’égard desquels l’initiative individuelle est absolument impuissante. La futaie fournit surtout des pièces de fortes dimensions, propres aux constructions civiles et navales, aux arts, à l’industrie, par conséquent des produits tout différens de ceux qu’on peut obtenir avec le taillis, qui ne donne guère que du bois de feu. Si l’état exploitait ses forêts en taillis, il ferait donc aux particuliers propriétaires de bois une concurrence fâcheuse, et les pousserait même à renoncer à un genre de culture qu’ils sont déjà très enclins à abandonner.

Avec la futaie sans doute, le taux de placement est moins élevé qu’avec le taillis, mais par contre le revenu, envisagé d’une manière absolue, est beaucoup plus considérable ; pour la société, prise dans son ensemble, c’est le point essentiel. Que lui importe en effet le placement plus ou moins avantageux de son capital, puisqu’en définitive c’est elle-même qui paie les intérêts, et qu’elle donne d’une main ce qu’elle recueille de l’autre ? Supposons avec M. Tassy que le loyer des capitaux pût être supprimé sans que l’abondance de l’argent s’en ressentît, il est évident que la quantité des produits créés n’en serait nullement diminuée ; obtenus à de moindres frais, puisque l’un des élémens du prix de revient aurait disparu, ils s’adresseraient