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tous sont chrétiens, et beaucoup savent lire et écrire. Les dimanches et les jours de fête, ils se réunissent dans leurs églises de bois, chantent en chœur des cantiques sur un ton bas et monotone, et suivent l’office dans des livres imprimés dans leur langue. Il n’y a pas seulement des ministres luthériens : les frères moraves, qui, dans la première moitié du XVIIIe siècle, ont eu l’honneur de renouer entre le Groenland et l’Europe des relations interrompues depuis trois cents ans, possèdent quatre missions, dont la plus importante est fixée à New-Herrnhut, près de Godhaab. Ils ne sont pas soumis aux autorités danoises, mais le commerce leur est interdit. Les Danois ont de petites maisons de bois bien propres, bien nettes, aussi comfortables que le permettent les ressources du pays. Quant aux Esquimaux, ils habitent par familles dans des espèces de tentes, et s’entassent pêle-mêle, avec leurs vêtemens, sous des couvertures de peaux de phoques et de rennes. Leur principale occupation consiste dans la pêche et dans la chasse ; quelquefois, durant les longs hivers, il arrive que cette population imprévoyante se trouve en détresse ; alors l’administration danoise vient à son secours. Ce sont aussi les Esquimaux qui servent de pilotes sur cette côte : ils sont intelligens, attentifs, dirigent les navires avec une étonnante précision le long des récifs, au milieu des brouillards les plus épais. Arrivé à Disco, le pilote que le Fox avait pris à Frederikshaab, après avoir touché son modique salaire et pris congé de l’équipage, s’élança du bâtiment, sans le faire arrêter, dans son kayak, sorte de canot long de dix-huit pieds, profond de huit pouces, large de seize ou dix-sept, et entièrement recouvert, excepté en un trou étroit où se glisse le rameur. Les Esquimaux naviguent à une distance de plusieurs milles en mer sur ces frêles embarcations ; on n’aperçoit au-dessus des flots que leurs têtes et leurs épaules couvertes de peaux de phoques, le reste du corps se confond avec le kayak, et prend de loin l’aspect de quelque monstre fantastique.

Dans les divers établissemens groënlandais, le capitaine du Fox compléta son chargement de charbon, fit l’acquisition d’une vingtaine de paires de chiens à traîneaux, et engagea, pour conduire ces indispensables auxiliaires de toute expédition arctique, un jeune Esquimau, qui fut débarrassé de ses peaux de phoque et revêtu d’un habit de matelot. Les préparatifs ainsi complétés, le Fox prit le chemin de l’ouest. La vaste étendue d’eau qui forme la baie ou plutôt la mer de Baffin gèle tous les hivers ; au printemps, il se fait une immense débâcle ; alors la principale masse de glace est portée au centre même de la baie, où elle ne laisse que d’étroits passages irrégulièrement praticables. On l’appelle main-pack ou middle-ice, la masse principale ou la glace du milieu. C’est la première et non