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plus souvent cachée dans le creux d’une gorge ou sous un rocher, et là il sème ou plante tout ce que réclame l’entretien de sa famille pendant une année. Quand on voit les petites dimensions de ces jardins, on se demande avec stupéfaction comment le sol peut être assez fertile pour que plusieurs personnes puissent y trouver leur subsistance et acheter en outre de la chicha frelatée. Le café, dont la culture s’est généralisée si rapidement dans la Nouvelle-Grenade, est une plante encore presque étrangère à la partie orientale de la Sierra-Nevada. Lors de mon séjour dans la vallée de San-Antonio, il ne nous fut pas possible de recueillir plus de trois cents pieds de café pour notre plantation. Cependant, si les affirmations des habitans de la sierra méritent quelque créance, le rendement du café tiendrait presque du merveilleux. Souvent les arbustes donnent deux récoltes par an, et l’on prétend avoir récolté jusqu’à 12 kilogrammes de baies sur un seul pied. Quoi qu’il en soit, ce n’est pas sur des faits exceptionnels qu’il faut régler ses calculs en pareille circonstance, car j’ai vu telle plantation des Andes où des cafiers isolés donnaient près de 5 kilogrammes de cerises, tandis que le rendement moyen de douze mille pieds était seulement d’un demi-kilogramme. En supposant que le produit des plantations de café dans la Sierra-Nevada fût à peu près le même, les bénéfices réalisés seraient encore très considérables, malgré la difficulté des transports. Les planteurs de cacaotiers, de vanille et d’autres plantes industrielles dont les produits exportés ont beaucoup de valeur et peu de poids peuvent également compter sur des résultats très favorables.

On est étonné, en parcourant les vallées de la sierra, de voir l’altitude considérable à laquelle on peut encore cultiver les plantes tropicales ; elles croissent parfaitement à des hauteurs qui correspondent aux climats de la France et de l’Angleterre : c’est ainsi qu’à Cocui, dans l’état de Santander, le bananier et la canne à sucre donnent d’excellens produits à 2,757 mètres de hauteur. Ce fait, qui n’a peut-être pas été mis suffisamment en lumière par Humboldt et par les autres géographes, prouve qu’il n’y a pas seulement superposition, mais aussi pénétration réciproque des climats étages sur les flancs des montagnes de la zone équatoriale. Un simple coup de vent suffit pour porter les ardeurs de l’été jusqu’au pied des neiges ou pour faire descendre le souffle des glaciers sur les vallées brûlantes étendues à la base des monts. De là, suivant les expositions et les abris, une grande diversité de climats partiels et une variété merveilleuse de plantes de toute espèce. Par sa position transversale à la direction des vents alizés, la Sierra-Nevada reçoit mieux que les autres chaînes l’haleine des chaleurs tropicales ; en