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Bien qu’il n’eût ni champ, ni toit, ni denier,
Plus d’un laboureur l’eût voulu pour gendre.
Il aimait ailleurs, il s’en alla prendre…
— Dodo, l’enfant do ! — chez un charbonnier
Une pauvre enfant belle, douce et tendre,
Bien qu’il n’eût ni champ, ni toit, ni denier.

Comme le vin vieux, l’amour nous enivre ;
C’était au printemps, dans les chemins creux ;
Les pommiers neigeaient sur les amoureux…
Mais, avec l’hiver, la pluie et le givre,
La misère vint s’abattre sur eux…
Comme le vin vieux, l’amour nous enivre !

Quand tu vins au monde, ô cher orphelin,
Les murs étaient nus, la huche était vide ;
Ta mère pressait sa mamelle aride,
Tu pleurais ; que faire ? où trouver du pain ?
Les murs étaient nus, la huche était vide,
Quand tu vins au monde, ô cher orphelin !

Ton père partit avec sa cognée.
— Dodo ! l’enfant do ! — « Du pain ! Dans les bois,
J’en saurai trouver, dit-il, pour vous trois.
Grands chênes, sapins, futaie épargnée,
Tombez en dépit du garde et des lois !… »
Ton père partit avec sa cognée.

Mais un jour le deuil emplit la maison,
Le garde accourut, tremblant de colère.
— Dors, mon doux mignon ! — Et l’on prit ton père.
Aux gens de justice il criait : « Pardon !
L’enfant meurt de faim, l’enfant et la mère ! »
Ce jour-là, le deuil emplit la maison.

Ton père en prison est mort à la peine,
Hier on a mis ta mère au cercueil.
Nous voilà tous deux restés sur le seuil,
Moi le tronc brisé, toi le gland de chêne.
Où chercher asile ? où trouver accueil ?
Ton père en prison est mort à la peine.

Dodo ! L’enfant dort mollement bercé,
Au-dessus du bois la lune se lève ;
Le vieux tremble et pleure, un sanglot soulève
Et fait soupirer son sein oppressé ;