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généreuses demandent à être entendues. Nous ne sommes point toujours à l’aise, on le sait, pour répondre aux accens qui font tressaillir. Mentionnons du moins les nobles pages qu’un illustre vétéran du libéralisme, M. Odilon Barrot, vient d’écrire sur la centralisation. À juger philosophiquement notre histoire contemporaine, il est certain que c’est la centralisation qui a tué en France la liberté. Les penseurs les plus sagaces que l’école libérale ait possédés chez nous depuis la révolution française, Royer-Collard et Tocqueville, l’ont ainsi compris. M. Odilon Barrot, en apportant une nouvelle démonstration de cette vérité douloureuse, travaille dignement à la solution du problème de la liberté future de la France.

Contraste pénible, c’est la France qui a traditionnellement sur notre continent l’initiative des idées politiques, c’est de la France que l’Europe aspirerait à recevoir en ce moment la révélation d’un système d’émancipation pacifique et libérale, et pourtant nous sommes réduits à attendre du parlement italien le double signal des idées et des événemens. Cette grande pensée de la liberté accordée à l’église en échange du pouvoir temporel, ce n’est point de la tribune française qu’elle est partie, c’est de la tribune italienne ; elle n’a point été émise par quelqu’un de ceux qui, parmi nous, avaient dans leur jeunesse épousé avec éclat cette solution, par laquelle le catholicisme peut s’allier à la liberté ; elle a été intrépidement proposée et développée avec élévation par le premier ministre de Victor-Emmanuel. De même toute notre anxiété sur la question de paix ou de guerre est attachée aux mouvemens de Garibaldi, aux accidens de sa rivalité ou de sa réconciliation avec M. de Cavour.

Nous n’avons rien à ajouter à ce que nous avons déjà dit de la solution romaine proposée par le chef du ministère italien. C’est une idée que M. de Cavour a mise en circulation par trois discours remarquables ; l’idée a produit une sensation immense dans le clergé italien. Nous ne doutons point que cette idée n’eût été accueillie avec faveur par une portion considérable du clergé français, si les opinions de notre clergé n’eussent éprouvé de regrettables déviations sous l’influence des maladroites alliances politiques qu’il a contractées. Quoi qu’il en soit, les Italiens ne doutent pas que, sans la méprise de l’épiscopat français, ils se fussent déjà mis d’accord avec le gouvernement romain. Le clergé italien en effet, dans ses régions élevées ou obscures, même jusque dans l’entourage du pape, est avec le parti national autant que les égards dus au saint-père le lui permettent. Pourquoi les évêques de France seraient-ils plus obstinés dans leur attachement au gouvernement temporel que l’immense majorité de l’église italienne ? S’ils avaient besoin d’un avertissement qui leur apprît ce que l’église peut gagner à la liberté que M. de Cavour lui offre en échange des servitudes que lui impose la conservation du temporel, il nous semble qu’ils devraient le trouver dans la récente circulaire du ministre de la justice. Dans le système qui régit aujourd’hui en France les relations de l’église avec l’état,