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on ne saurait rien trouver à redire à cette circulaire en logique et en justice. En cédant au contraire à l’Italie la capitale qu’elle demande, l’église acquerrait sous tous les gouvernemens la liberté qu’elle aurait obtenue en Italie. Elle n’aurait plus à redouter les ingérences du pouvoir civil, ou elle trouverait, pour les repousser, les garanties de la liberté politique. La cour de Rome de son côté s’épargnerait le discrédit qu’elle attire encore sur elle dans l’agonie de son pouvoir par des mesures rigoureuses, telles que celle qu’elle vient de prendre contre un des hommes les plus distingués de l’Italie. Le docteur Pantaleoni, que la cour de Rome vient d’exiler, était le médecin le plus accrédité de Rome. C’est un homme d’esprit, libéral, éclairé, lié avec l’élite de la société parisienne, populaire dans la société anglaise. Son crime a été d’être élu au parlement italien par la Marche d’Ancône, son pays natal. Nous ne pensons pas que le docteur Pantaleoni se proposât de prendre réellement son siège au parlement italien. Il sera bien forcé de l’occuper par le coup d’arbitraire du gouvernement papal, qui l’a fait partir de Rome au milieu de la semaine sainte. Frapper un homme modéré, aimé et considéré en France et en Angleterre, voilà une des habiletés de ce gouvernement moribond, qui ne continue son existence artificielle que grâce aux vingt mille hommes que nous continuons à lui prêter. On se demande, en voyant de tels faits, ce qu’attend notre gouvernement pour retirer ses troupes de Rome et reconnaître le nouveau royaume d’Italie.

Malgré les bruits contraires qui nous arrivent de temps en temps de Turin, nous persistons à croire que le péril d’une agression autrichienne contre l’Italie est chimérique. Nous sommes convaincus que l’Autriche n’a en ce moment aucun désir de troubler par la force la constitution du nouvel état des choses dans la péninsule. Ce n’est que contre eux-mêmes que les Italiens ont à se mettre en garde aujourd’hui. Sans être exactement informée de la nature et de la portée des dissentimens qui peuvent exister entre M. de Cavour et le général Garibaldi, l’opinion en France et en Europe s’est émue de l’arrivée et de la présence à Turin du patriote de Caprera. Le langage tenu par Garibaldi aux ouvriers de Milan n’était point fait pour calmer cette émotion. Il est vrai que la population ouvrière de la vieille capitale du Piémont, si remarquable par son bon esprit et ses fortes qualités morales, a protesté contre l’intempérance politique des ouvriers milanais, et a donné au général des volontaires lui-même une opportune leçon de convenance. Il s’est rencontré d’ailleurs dans le parlement italien un homme énergique, un patriote éprouvé, un esprit indépendant, qui n’est point d’humeur à souffrir de la part de personne les allures dictatoriales prises par Garibaldi envers les pouvoirs légaux. Nous voulons parler de l’homme dont l’opiniâtreté a fait échouer le traité de Villafranca, du baron Ricasoli. Nous ne savons si M. Ricasoli s’entend aussi bien avec M. de Cavour dans cette circonstance que quelques-uns le supposent : il veut par exemple que les corps de volontaires qui avaient été dissous à tant de frais par le général Fanti soient