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de plus rendu compte de ce phénomène en soumettant à l’examen microscopique le contenu des organes reproducteurs de ces êtres mixtes. Il a montré que les anthères ne renferment plus de pollen proprement dit, mais seulement des granulations irrégulières et sans caractère. L’élément paternel a donc disparu. Les ovaires contiennent parfois des ovules en bon état. L’élément maternel est donc moins rudement atteint que l’élément paternel. Kœlreuter pensa qu’il pourrait suppléer à l’absence de celui-ci, et dans cet espoir il féconda artificiellement des fleurs hybrides avec du pollen emprunté à la plante père. Il obtint ainsi un végétal quarteron, c’est-à-dire, tenant pour un quart à l’espèce qui avait fourni la mère, et pour trois quarts à l’espèce dont faisait partie la plante père. Parfois la fécondité se réveilla en partie dans ces plantes quarteronnes. En continuant ainsi, Koelreuter ramena promptement au type paternel les descendans du premier hybride. D’autres expérimentateurs, employant le pollen de l’espèce maternelle, arrivèrent au même résultat. Dans les deux cas par conséquent, il ne reste plus de traces de la première hybridation.

Les hybrides de première génération, avons-nous dit, ne sont pas toujours absolument inféconds. Leur faculté de reproduction est seulement constamment amoindrie, et d’ordinaire dans d’énormes proportions[1] ; mais leurs graines ne reproduisent pas indéfiniment le type mixte de la plante qui les a produites. Un certain nombre des individus sortis de ces graines, au lieu de ressembler à l’hybride dont ils descendent, reproduisent tous les caractères de l’une ou de l’autre des deux espèces primitivement croisées, si bien qu’en trois ou quatre générations toute trace du croisement a disparu. Ce retour aux types naturels a souvent lieu dès le premier semis des graines hybrides. Dans une des expériences de M. Lecoq, le mirabilis à longues fleurs, vulgairement appelé merveille du Pérou, avait été fécondé par le pollen de la belle-de-nuit, ou mirabilis faux jalap. L’hybride obtenu était parfaitement intermédiaire entre les deux espèces ; mais les graines qui en sortirent, mises en terre, reproduisirent toutes la plante paternelle, c’est-à-dire des belles-de-nuit. Dans d’autres cas, c’est au contraire la mère qui reparaît de la même manière. Dans quelques expériences, on a vu les graines d’hybrides se partager pour ainsi dire entre les types paternel et maternel. M. Naudin, ayant croisé la primevère à grandes fleurs avec la primevère officinale, obtint un hybride qui lui donna sept graines fertiles. De ces graines, trois produisirent des plantes entièrement semblables à la primevère officinale ;

  1. On peut en juger par l’exemple suivant que cite M. Duchartre. Une fleur hybride de pavot ne donna que six graines fertiles, tandis qu’une capsule non croisée de la même plante en contenait deux mille cent trente parfaitement développées.