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de trois autres sortirent des individus que rien ne distinguait d’une variété bien, connue de la primevère à grandes fleurs : une seule reproduisit l’hybride d’où elle était sortie, mais cet hybride de seconde génération fut complètement stérile, si bien qu’ici encore toute trace d’hybridation disparut.

Les hybrides quarterons dont nous avons déjà parlé sont quelquefois fertiles pendant plusieurs générations. M. Lecoq, M. Naudin surtout, ont indiqué des faits intéressans sous ce rapport. Toutefois, dans toutes leurs expériences, la fécondité s’est constamment montrée fort réduite ; les graines fertiles ont été peu nombreuses, il y a eu des retours fréquens au type paternel ou maternel, et les hybrides ont fini par s’effacera La culture, qui est aux plantes ce que la domestication est aux animaux, s’est montrée ici impuissante. Elle a bien pu rendre fertiles pendant un nombre extrêmement restreint de générations des hybrides qui, dans la nature, sont constamment stériles ; elle n’a pas pu encore fixer et faire durer chez les végétaux une seule race hybride comparable en quoi que ce soit à ces races métisses que nous savons être si nombreuses, si faciles à obtenir, et qui s’établissent d’elles-mêmes[1]. Voilà le fait général, celui qui embrasse et domine tous les faits particuliers.

Passons maintenant aux animaux, et constatons que, s’il se produit quelquefois entre espèces sauvages et libres des croisemens féconds, les hybrides sortis de ces unions n’ont nulle part trahi d’une manière quelconque leur aptitude à se reproduire dans les conditions normales. On n’a par exemple jamais dit avoir rencontré des individus intermédiaires entre le loup ordinaire et le loup lycaon[2]. Si ce dernier s’est reproduit en se croisant avec l’espèce maternelle, ses fils, selon toute probabilité, sont retournés au type primitif, comme nous venons de le voir chez les végétaux. Dans les

  1. Les observations et les expériences de M. Godron démontreront peut-être que l’on connaît un exemple de race hybride végétale. On sait que l’origine du blé est inconnue. Or M. Esprit Fabre d’Agde, en 1857, crut avoir montré que cette céréale provenait de la transformation d’un œgilops modifié par la culture. M. Godron regarda au contraire l’œgilops triticoïdes et le blé œgilops de M. Fabre comme n’étant, le premier qu’un hybride demi-sang d’œgilops et de froment, le second qu’un hybride quarteron des mêmes plantes dans lequel le froment serait intervenu deux fois. À l’appui de son opinion, il cite les produits qu’il a obtenus en opérant directement sur l’œgilops ovata et diverses races de blé ; mais des botanistes éminens regardent encore la plante qui se reproduit depuis près de vingt ans dans le jardin de M. Fabre comme une simple espèce d’œgilops distincte de l’ovata. La question est donc encore indécise, mais les expériences de M. Godron, en tout cas très intéressantes et très curieuses, la résoudront certainement.
  2. On a décrit sous ce nom, comme espèce distincte, l’hybride naturel du chien et de la louve.