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MYS.

Hélas ! je l’aidais jadis. Si mes yeux n’étaient point affaiblis par l’âge, si mes membres n’étaient pas tremblans, je viendrais ici, mes enfans, pour réclamer ma part de labeur, et non pour vous troubler par mes discours. Puissent les Parques ne pas trancher le fil de mes jours avant l’achèvement de tant de belles œuvres ! Puissé-je jouir de la gloire de mon cher Phidias !

COLOTÈS.

Tu en jouiras, vieux Mys. Ta vieillesse est aussi saine que celle d’un chêne.

MYS.

Ma vieillesse ? c’est lui qui la soutient ; c’est à lui que je dois de vivre. Pauvre, sans famille, mes bras ne peuvent plus me nourrir. Personne ne s’inquiéterait du vieux Mys, il me faudrait m’asseoir à l’angle d’un carrefour et tendre la main à mes concitoyens ; mais un esclave vient frapper à ma porte : « Mys, Phidias t’envoie ce sac de farine. — Mys, les olives sont rares cette année, Phidias t’a réservé la moitié de sa récolté. — Mys, le vent est âpre pendant l’hiver, et le soleil se cache souvent ; voici une charge de bois coupé sur le Parnès. » Les dieux récompenseront celui qui honore les vieillards et n’oublie point le compagnon de ses premiers travaux.

UN OUVRIER.

Et nous, nous le défendrons contre ses ennemis. Tous, nous lui sommes dévoués comme à un père.

LES AUTRES OUVRIERS, excepté Ménon.

Oui, tous ! tous !

MYS.

Par Jupiter, mes enfans, c’est bien ! L’ingratitude n’habite point dans vos poitrines ; mais soyez exacts demain à l’assemblée, car ceux qui attaquent Périclès menacent aussi Phidias.

COLOTÈS.

Sois tranquille, ils y seront dès le chant du coq.

MYS.

Et toi, Ménon, tu ne dis rien ?

MÉNON.

Le silence convient aux esclaves.

MYS.

N’aimes-tu pas ton maître ?

MÉNON.

Qu’importe aux hommes libres l’affection de ceux qui ne le sont pas ?

MYS.

Si tu prises tant la liberté, que ne l’acceptais-tu quand Phidias te l’offrait ?

MÉNON.

Parce que la faim est plus dure encore que l’esclavage.

MYS.

Te traiterait-il moins bien affranchi qu’il ne te traite esclave ?

MENON

Je l’ignore. Je sais que la loi l’oblige à me nourrir tant que je lui appartiens.

MYS.

Ton âme est basse, Ménon, et tu te rends justice en refusant la liberté.