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et le Berri par exemple, que nous pourrions trouver quelque image adoucie de l’absentéisme irlandais avec son triste cortège de middlemen et de désaffection profonde. Sur les propriétés moyennes, les rapports restent plus fréquens entre le colon et le maître, parce que la résidence de ce dernier est ordinairement plus voisine de la métairie, et que la distance sociale qui sépare les deux intéressés est moindre. C’est cet heureux séjour du maître sur ses domaines qui, dans l’Anjou et dans le Maine, où cependant existe le métayage, a partout imprimé à l’agriculture un si fécond mouvement. Tandis qu’ailleurs, par suite de l’éloignement du propriétaire, le métayage laissait les terres pauvres et les hommes ignorans, ce même système a produit exceptionnellement dans ces provinces une sorte de régénération.

En général, les métayers, étant plus pauvres que les fermiers et surtout plus rapprochés de l’état de domesticité, jalousent davantage l’aisance relative dont jouit le propriétaire du sol. S’ils n’ont encore ni la fierté, ni l’active énergie du fermier, ils ont malheureusement perdu la faculté de se dévouer pour leur maître. On doit se féliciter que l’homme ait acquis partout une plus haute idée de sa valeur personnelle ; mais l’individualisme n’en est-il pas aussi venu à un point excessif, et les liens de la famille territoriale ne se relâchent-ils pas trop, comme les liens de la famille naturelle ? Les classes supérieures peuvent se reprocher une grande partie du mal dont elles se plaignent. Les villes aujourd’hui absorbent avec une telle puissance les bras, les capitaux et les produits de la campagne, sans renvoyer à celle-ci, dans une proportion suffisante, les encouragemens, les secours et les engrais dont elle a besoin, que la vraie richesse et la force du pays peuvent souffrir de ce manque d’équilibre. Le salut doit venir d’où provient le mal. C’est dans le retour des familles riches à une vie plus active et surtout à des mœurs plus rurales qu’il est permis de le trouver.


III.

Dans les régions où se maintient encore le système du métayage, comme dans celles où se trouvent avec assez de facilité des fermiers suffisamment riches, il existe un certain nombre de petits propriétaires qui, liés intimement au travail des champs par leurs habitudes traditionnelles, exploitent eux-mêmes les terres qu’ils possèdent. Si leur propriété ne peut pas subvenir à l’entretien de leur famille, ils demandent à quelques occupations extérieures ou à une industrie supplémentaire le surcroît de ressources dont ils ont be-