Page:Revue des Deux Mondes - 1861 - tome 32.djvu/427

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

l’agriculture reste stationnaire, que la condition des propriétaires y soit incertaine, celle des cultivateurs médiocre, et que les bras et les capitaux étrangers s’en tiennent obstinément éloignés. Les fermiers ne viennent pas du dehors se soumettre à de telles conditions économiques et culturales ; les métayers ne sont ni assez riches ni assez industrieux pour se transformer tout de suite en fermiers ; les propriétaires sont souvent eux-mêmes trop pauvres pour subvenir aux charges de l’exploitation directe ; enfin les bras restent rares, parce que le métayer, travaillant avec toute sa famille, est le cultivateur qui emploie le moins de journaliers. En présence de semblables difficultés et du mauvais vouloir qu’inspire presque partout le changement même motivé des habitudes locales, on ne doit pas se laisser aller trop vite à de dangereuses tentatives. Il faut sortir du métayage : tel est le but à poursuivre ; mais pour cela il faut aider les métayers à s’enrichir peu à peu, les former en les instruisant à une vie nouvelle, et leur faire ensuite les avances nécessaires, ou attirer par des avantages considérables les fermiers des pays voisins, ou enfin aborder l’exploitation directe avec une puissance de capital suffisante. Ce sont les seuls moyens pratiques ; malheureusement ils se fondent sur deux auxiliaires dont il est bien rare qu’on soit assez maître : le temps et l’argent. Cependant le métayage tend à diminuer. Il disparaîtra lentement, parce qu’il a ses raisons d’être et de persister là où il subsiste encore ; mais il est fatalement condamné à disparaître au fur et à mesure que s’élèvera le niveau de l’instruction et de la richesse publique. C’est donc un système de transition qu’il faut parfois subir, toujours chercher à dépasser pour en arriver au louage pur et simple, mais ne jamais introduire là où il n’existe pas.

Au point de vue agricole, telle est la vérité. Au point de vue social néanmoins, le métayage ne se recommande-t-il pas par les liens plus intimes qu’il permet d’établir entre le cultivateur et le propriétaire ? L’obligation pour celui-ci de surveiller son domaine, plus fréquente et plus étroite dans le métayage que dans le louage pur et simple, devrait être mise à profit par les hommes intelligens pour ressaisir en partie l’influence que les classes riches laissent trop échapper aujourd’hui. Malheureusement beaucoup de pays de métayage sont des pays pauvres, et qui par conséquent n’offrent point un attrait suffisant aux familles qui jouissent d’une certaine fortune. Dans les contrées où le métayage est appliqué à de grands domaines, le désaccord des cultivateurs et du propriétaire est devenu plus grave que dans celles où la métairie ne compose qu’une ferme de moyenne étendue. Aussi est-ce dans les provinces centrales, où les terres se sont le moins divisées, dans le Bourbonnais