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allés s’établir de préférence. Les saints du dernier jour n’ont nulle autre part un temple de leur culte en Californie. Les catholiques romains comptent près de soixante-dix églises en Californie, et un nombre égal de desservans. La population catholique de l’état est estimée à plus de 100,000 habitans, et la valeur des propriétés que possèdent les églises catholiques à plus de 5 millions de francs. Dans ce chiffre n’est pas comprise la valeur attribuée aux missions des anciens religieux espagnols. On compte aussi en Californie près de vingt-cinq séminaires catholiques. Un évêque, nommé par le pape, réside à San-Francisco.

Les Américains, déistes en général, s’inquiètent peu du culte qu’on professe ; mais il faut en professer un, il faut surtout en observer les pratiques extérieures, et on les voit ainsi, à défaut d’un ministre protestant, entendre sans façon le sermon d’un prêtre catholique. Ils se montrent sur l’observation du dimanche d’une sévérité toute puritaine. À San-Francisco surtout, la loi du sabbat est presque aussi rigide que dans les États-Unis de l’Atlantique ou en Angleterre. Il a bien fallu se relâcher quelque peu de la sévérité des premières mesures devant une population récalcitrante, par cela même qu’elle était très mêlée et de religions très diverses. Cependant la plupart des boutiques doivent encore être fermées le dimanche après dix heures du matin sous peine d’une forte amende. Les théâtres, les amusemens bruyans, sont aussi défendus ce jour-là, et le théâtre français est le seul qui ait pu obtenir, à force de sollicitations, d’enfreindre l’ordonnance. Le dimanche, est donc loin d’être un jour de gaieté et de récréations à San-Francisco. Les promenades et les rues sont désertes ; on ne rencontre dans les hôtels que des voyageurs désœuvrés qui bâillent ; on ne voit dans les maisons, à travers les fenêtres entr’ouvertes, que des visages ennuyés. Il serait temps que le protestantisme anglo-américain comprît l’excessive sévérité de cette loi du dimanche, qui n’est plus en rapport avec nos mœurs. Ne pourrait-on ce jour-là ouvrir pour la foule oisive les musées, les théâtres, les promenades, tous les lieux publics en un mot, et non point seulement les églises avec les tabagies et les tavernes, quand le service divin est fini ?

Si la liberté d’enfreindre l’observation du dimanche n’existe pas en Californie, la liberté d’association y est complète. Tous les citoyens peuvent se réunir pour un but quelconque. L’état n’a rien à y voir, pourvu que la paix publique ne soit pas troublée. Aussi des sociétés diverses existent-elles en très grand nombre. En premier lieu se présentent les sociétés maçonniques, et à leur tête la grande loge de Californie, dont les membres dépassent aujourd’hui le nombre de six mille. Plus de cent cinquante loges sont établies sous la juridiction de la loge principale dans les différentes villes du pays. Ensuite vient l’ordre, indépendant des Old Fellows, organisé dès 1849. La société des Old Fellows, qui font remonter la date de leur première organisation au règne de Néron, où cet ordre aurait pris naissance dans les légions romaines, est répandue dans tous les États-Unis, et y compte 220,000 membres.