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confiance que lorsqu’on y peut poser des questions de cabinet, et il ne saurait y avoir de questions de cabinet lorsqu’il n’y a pas de ministère responsable. Dans les adresses des chambres, l’empereur ne peut chercher que des approbations pour sa politique passée, des conseils pour sa politique future. Où en serait-on si la chambre avait à voter des questions de confiance, le vote contraire impliquant un acte de défiance ? La chambre ne pourrait émettre ce vote contraire sans créer un conflit redoutable, sans prononcer sa propre dissolution. Où en serait-on si l’opposition à la politique suivie devait être considérée comme dirigée personnellement contre l’empereur, si la personne de l’empereur était toujours ainsi prise à partie et mise en jeu et par les adversaires et par les défenseurs des mesures du gouvernement ? Ces façons d’agir nous conduiraient inévitablement à la résurrection de ces fictions constitutionnelles que M. de Pierre regrettait avec une spirituelle bonhomie, et non peut-être sans à-propos. Mais nous en avons assez dit pour montrer par ces tâtonnemens ce qu’il y a d’incertain, de transitoire, dans la première application du décret du 24 novembre.

Quoi qu’il en soit, la nouveauté du spectacle, l’intérêt excité par les perspectives de la situation politique ont tenu la France et on peut dire l’Europe attentives aux récentes discussions du corps législatif. Les plus grandes questions du présent ont été abordées. Hâtons-nous de dire que toutes n’ont point été traitées avec les développemens que réclamait leur importance. Nous n’en sommes point surpris. Les assemblées politiques sont ainsi faites qu’il leur est difficile d’avoir à la fois plus d’une grande préoccupation. Or, devant la préoccupation de la révolution italienne, toutes les autres questions devaient pâlir. Nous regrettons cependant que les membres libéraux de la chambre aient laissé échapper cette occasion d’ouvrir une large discussion sur la législation qui régit les journaux, et d’exposer les raisons manifestes qui classent la liberté de la presse parmi les premiers et les plus obligatoires principes de 1789. M. Jules Favre et M. Émile Ollivier ont dit sans doute de bonnes choses sur cette question ; mais nous regrettons qu’ils ne l’aient point approfondie, qu’ils ne l’aient point éclairée et épuisée par une de ces argumentations complètes, décisives, qui font doctrine, et qui assurent par leur autorité le triomphe d’une juste cause. La question de la presse est la question vitale pour la liberté en France. Voilà pourquoi nous n’hésitons point à y revenir si souvent, sans redouter les ennuis que peut nous susciter notre persévérance. Parmi ces ennuis, le plus fâcheux pour nous serait la méprise dont nos paroles pourraient être l’objet de la part d’esprits prévenus. La réponse que nous avons adressée au discours par lequel M. Dupin étendait à la presse actuelle la solidarité des excès de la mauvaise spéculation a donné lieu à une méprise de ce genre. On a vu, dans un passage de cette réponse, une vague incrimination contre certains agens de l’administration. C’était méconnaître, on nous permettra de le dire, les habitudes que nous apportons dans la presse. Si nous avions le droit