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entre le zèle vraiment religieux du célèbre théologien et les colères si peu charitables du chef de l’église ! La répugnance qu’inspirent à l’opinion éclairée de l’Europe les agitations de la papauté temporelle ne sont pas le seul profit que l’Italie retire de ce provisoire prolongé où l’on essaie de la fatiguer. En dépit des conspirations qui travaillent ouvertement à Rome, les troubles napolitains ont perdu leur gravité. Ces populations napolitaines si longtemps démoralisées par de mauvais gouvernemens, ces populations qui ont subi toutes les invasions dont leur territoire a été le théâtre, qui ont supporté la domination conquérante des Normands, des Angevins, des Français, des Espagnols, endureront bien, qu’on en soit convaincu, une conquête, celle des Italiens, qui, au lieu de les humilier, les associe à l’émancipation et à la grandeur de la patrie commune. D’ailleurs les classes éclairées, la bourgeoisie, à Naples et dans toutes les villes, ont donné leur adhésion au gouvernement italien, Les élémens anarchiques n’existent que dans les campagnes, dans les districts montagneux. Ferdinand II, avec son rare instinct de despote, avait su, parmi les populations rurales, exciter l’animosité des classes inférieures contre la bourgeoisie. Qu’on ajoute aux mauvaises passions de la populace le mécontentement inévitable des corporations religieuses, qui pullulent dans ce pays ; qu’on n’oublie point qu’il y a dans les provinces napolitaines vingt archevêques et soixante-dix-sept évêques, et l’on aura une idée des difficultés que peut rencontrer le gouvernement italien. Ces difficultés, on en viendrait peut-être aisément à bout en employant les moyens sommaires du despotisme ; mais le gouvernement italien, à son grand honneur, veut en triompher en respectant les garanties de la liberté. Ses scrupules constitutionnels rendent sans doute pour le moment sa tâche plus pénible ; mais tout ce qu’il y a d’esprits libéraux en Europe devra lui savoir gré et lui tenir compte de l’honnête courage avec lequel il entreprend de surmonter tant d’obstacles sans renier un seul jour les principes de la constitution libre au maintien de laquelle l’Italie renaissante a lié ses destinées.

La démission du général Cialdini prouve assez que les troubles napolitains ne sont plus de nature à inspirer des inquiétudes sérieuses. La lieutenance de Naples va être abolie. Le général La Marmora va prendre avec l’autorité qui s’attache à ses illustres services et à son caractère le commandement militaire de l’ancien royaume. Pour le moment, la démission du général Cialdini et la nomination du général La Marmora à Naples sont les seuls mouvemens qui auront été accomplis dans le personnel du gouvernement italien. L’on a remis en circulation, il y a quelques jours, avec une nouvelle vivacité les bruits de changement du cabinet qui avaient couru avec persistance dès la fin de la session du parlement italien. Il y a peu de dignité et de patriotisme dans l’application que mettent certaines personnes en Italie à user par de telles rumeurs un ministère qui compte des membres très distingués et qui a pour chef un homme aussi respecté que le baron Ricasoli. Cette fois encore, ces rumeurs sont dénuées de fondement. Avant la