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sans liberté politique, en dehors de l’entier et rigoureux contrôle des assemblées représentatives et des vigilantes polémiques d’une presse libre.

Il y a un nouveau temps d’arrêt dans le développement logique de la question italienne. Nous le regrettons sans doute, mais nous n’en sommes point désolés outre mesure. Il est dans la loi des révolutions de marcher Inflexiblement à leur but final avant de se replier sur elles-mêmes et d’organiser leurs conquêtes. Il n’est donc guère permis de croire que l’Italie puisse se laisser distraire de la pensée de Rome, et trouve un aliment qui la satisfasse dans le travail de sa politique intérieure. La prolongation indéfinie du statu quo crée sans doute des embarras intérieurs au gouvernement italien ; elle ne décourage pourtant pas les amis de l’Italie. Les embarras qui résultent pour les Italiens de l’agonie du pouvoir temporel artificiellement prolongée par la présence de nos troupes à Rome sont trop visibles pour qu’il soit nécessaire de les signaler. On sait que les partisans du régime déchu de Naples entretiennent un foyer d’intrigues à Paris, lequel relie ses menées au foyer principal de Rome, et que de cette action concertée naissent les misérables troubles des provinces napolitaines. On ne peut point appeler cela une conspiration, car tout se fait au grand jour : correspondances, envois d’hommes et d’argent, on ne prend guère la peine de rien dissimuler au gouvernement français. Aussi est-ce surtout pour notre gouvernement que la durée d’un tel état de choses nous paraît désagréable. Jusqu’à quand le gouvernement français croira-t-il ses temporisations compatibles avec le rôle qu’il a joué dans la question italienne ? Est-il, nous ne dirons pas même logique, mais bienséant à la France, après avoir attiré un peuple à de nouvelles destinées, après avoir même tiré profit de la direction dans laquelle il s’est engagé, de paraître pour lui une entrave et de perpétuer en Italie un état de faiblesse et de désordre qui pourrait compromettre un ouvrage auquel nous avons eu une si grande part ? Mais, nous le répétons, c’est bien plus comme Français que comme amis de l’Italie que nous déplorons les vacillations singulières de notre politique. Quoi qu’en pensent dans leurs illusions puériles les adversaires de l’Italie, le bénéfice du temps est pour les Italiens. Voyez l’usage que fait le pape des derniers momens de son pouvoir temporel. Y a-t-il rien de plus triste que la dernière allocution pontificale ? Quels sont les hommes honnêtes et sensés qui n’ont pas gémi de l’étrange emportement auquel le pape s’est laissé entraîner ? Cette rhétorique ecclésiastique, cette irritation boursouflée n’ont pas même l’accent d’une passion sincère. Est-il en vérité, au temps où nous vivons, permis à un souverain d’employer un tel langage contre ses adversaires ? Est-ce au gouvernement italien, qui les supporte avec un sentiment de pitié, que ces outrages peuvent faire du mal ? Cet acharnement du chef de l’église contre des compatriotes et des coreligionnaires peut-il profiter à l’église ? La cause du pouvoir temporel, déjà perdue, abdique ainsi la dignité même du malheur. Elle ne se relève point par la condamnation de l’écrit si chrétien du père Passaglia, Pro caussa Italica, adressé aux évêques catholiques. Quel contraste