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rières contre le mal qu’on détruit. Un bon gouvernement serait assurément une meilleure garantie pour les Maronites et pour les Druses que la sauvegarde douteuse de privilèges confus et mal définis: mais où est ce bon gouvernement? Sera-ce même celui de Fuad-Pacha, si nous le faisons nommer?.. Aussi je me fais sans cesse à moi-même cette question : dois-je consentir à abolir des privilèges que l’iniquité persévérante de tous les officiers turcs semble rendre indispensables, ou bien après tout ne serait-il pas mieux d’accepter le projet de la France d’unir les Druses et les chrétiens sous l’égide d’une commune indépendance contre les pernicieux desseins de ceux qu’ils ont appris à regarder comme leur commun ennemi, tandis qu’ils devraient être leurs protecteurs naturels? »

Cette consciencieuse hésitation de lord Dufferin sur l’à-propos de son plan justifie à la fois le refus que la France a fait de l’accepter et l’amendement que j’ai fait humblement en proposant de le personnifier dans Abd-el-Kader au lieu de Fuad-Pacha. En même temps le plan de la France d’unir les chrétiens et les Druses du Liban en une seule nationalité politique, composée de deux religions, et de lui accorder une indépendance quelconque contre Constantinople, ce plan est encore un essai de soustraire à l’atonie de l’empire turc les parties vitales de cet empire. Ce que lord Dufferin faisait pour toute la Syrie, la France voulait le faire pour le Liban, Les deux plans procédaient à la régénération de l’Orient par la séparation administrative ou politique d’avec la Porte-Ottomane et relevaient tous deux de la politique française de 1839; car, comme le dit encore lord Dufferin dans sa lettre au major Fraser[1], « il y a fort à craindre que le gouvernement turc ne soit devenu une impossibilité, et que la politique turque ne soit incorrigible. »

Les deux plans, celui de la France et celui de l’Angleterre, pouvaient donc être adoptés. Je préfère celui de lord Dufferin comme plus hardi et plus efficace, avec Abd-el-Kader surtout pour gouverneur-général; mais les deux projets étaient bons. Voyons celui qui a été adopté.


III.

Les deux traits principaux du gouvernement actuel de la Syrie sont : 1° un gouvernement chrétien pour le Liban ; 2° le maintien de deux pachas, c’est-à-dire le morcellement ancien du pays et sa dépendance absolue de Constantinople. Le premier de ces principes semble tout français, le second est tout turc.

  1. Documens anglais, p. 360, n° 276.