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nale avait sa cause particulière de répugnance contre les Maronites. L’Angleterre leur reprochait leur attachement au catholicisme, à la France, et de plus, étant la patronne décidée des Druses, elle voulait détruire une suprématie rivale. La Prusse leur savait mauvais gré aussi de leur zèle catholique. L’Autriche est habituée à soutenir la Turquie. La Russie enfin voyait avec plaisir les chrétiens grecs acquérir une influence et une puissance nouvelles aux dépens des Maronites. Cette quasi unanimité contre la France et ses protégés charmait les ministres anglais, et lord John Russell écrivait d’un ton de moquerie à lord Cowley : «Si l’organisation que souhaite la France pour le Liban doit être différée jusqu’à ce que les représentans de l’Autriche, de la Grande-Bretagne, de la Prusse et de la Russie se résignent à la suprématie exclusive des Maronites, il s’écoulera plus de dix ans avant qu’ils se soumettent à cet arrangement[1]. » Le règlement pour l’administration du Liban arrêté à Constantinople le 9 juin dernier est conforme aux votes de la commission internationale. Le Liban est administré par un gouverneur chrétien nommé par la Porte et relevant d’elle directement[2], si bien que, pour exprimer toute ma pensée, on peut dire que le principe français a triomphé contre la France. Le Liban a un gouverneur chrétien; mais ce gouverneur chrétien n’est point un indigène, et ce seul changement change tout. Les Maronites se trouvent, par cet arrangement, déchus de la quasi indépendance dont ils avaient joui jusque-là sous la protection de la France. L’organisation de 1842 et 1845 avait respecté le principe des caïmacans indigènes; il y avait alors un caïmacan maronite, par conséquent chrétien, et un caïmacan druse. Les Druses et les Maronites perdent leurs caïmacans indigènes, et sont soumis à un gouverneur chrétien relevant directement de la Porte, tandis que les caïmacans maronite et druse relevaient du pacha de Beyrouth. Qui gagne à cette organisation de

  1. Documens anglais, p. 411, n° 314.
  2. Voyez ce règlement dans le n° 8 des Archives diplomatiques, t. III, août 1861, p. 313.