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1861? La Porte-Ottomane, qui divise encore plus le gouvernement de la Syrie, pour le rendre plus dépendant de Constantinople. Elle y gagne, si c’est gagner, pour un gouvernement faible, que de prendre à sa charge un fardeau de plus. On peut dire, il est vrai, qu’à Constantinople le fardeau est peut-être moins pesant. En effet chaque représentant des puissances étrangères prête la main pour le soutenir, et la Porte de cette façon peut d’autant plus gouverner qu’elle ne gouverne pas seule. Chaque fois que la Porte-Ottomane ramène une des provinces de son vaste empire à une centralisation plus grande, elle crée par cela même un nouveau cas d’intervention pour les puissances européennes. Je ne cherche pas à savoir si ce gouvernement à six est meilleur pour l’empire ottoman qu’un gouvernement tout à fait indépendant de l’Europe. J’aime mieux après tout, quant à moi, un gouvernement tiraillé qu’un gouvernement absolu, n’ayant aucun goût pour la beauté des mécanismes; je me demande seulement si ce genre de gouvernement à six[1] est facile et doux pour la Porte-Ottomane elle-même. Il a évidemment ses déboires et ses désagrémens. J’en veux citer un exemple qui touche au second principe du gouvernement de la Syrie, je veux parler du principe turc.

La Porte-Ottomane a, contre l’avis de lord Dufferin, maintenu la division du gouvernement de Syrie en deux pachaliks, celui de Damas et celui de Beyrouth, se fiant toujours à la vieille maxime : diviser pour régner. Elle a même augmenté encore cette division par le choix d’un gouverneur particulier pour le Liban. L’Angleterre a cédé à la volonté de la Porte-Ottomane, ne voulant pas avoir à lutter à la fois contre la France et contre la Porte-Ottomane; mais ne croyez pas qu’elle épargne à la Porte-Ottomane les avis graves et désagréables, ne croyez pas qu’elle lui rende commode et doux ce goût de gouverner que le ministère de Constantinople manifeste au plus haut degré. Un de mes amis de Constantinople me disait le mot d’un ministre turc : « L’appui de l’Angleterre est excellent; seulement nous nous appuyons sur un bâton d’épines. » Le mot est juste. Ce n’est pas sir Henri Bulwer qui tient le bâton et qui le présente du côté épineux; c’est lord John Russell qui a cet emploi et qui s’en acquitte à merveille. Voyez, par exemple, comme il juge le système turc, celui qui vient de prévaloir, celui qui a divisé la Syrie en trois pachaliks ! L’avertissement qu’il donne sur ce point à la Porte-Ottomane s’adresse aussi en partie à sir Henri Bulwer, qui défend volontiers le gouvernement turc contre les ministres anglais :

  1. Je dis : à six, et non à cinq, parce que je crois très sincèrement que la Porte a sa part avec les cinq puissances européennes dans le gouvernement de la Turquie.