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dans le village. Vandamme, menacé d’être accablé, reçoit pour renfort les lanciers Colbert et une division de la jeune garde. Nouvel assaut des Français sur le front et sur les deux côtés du village. Les lanciers de Colbert fondent sur les batteries ; ils sont chargés par les dragons de la reine. En même temps, des hauteurs de Wagnelée débouchent neuf bataillons prussiens et trois brigades de cavalerie. Nos tirailleurs, cachés dans les blés, les arrêtent et les rejettent en arrière.

Cependant le grand nombre permet aux Prussiens de retirer du feu leurs troupes épuisées qu’ils remplacent par d’autres. De notre côté au contraire, point de repos pour personne. Les mêmes brigades qui ont commencé l’attaque la poursuivent et l’achèvent. Mutilées, désunies, elles restent en première ligne. Les troupes de Pirch II, qui se sont épuisées contre Vandamme, vont se reformer hors du feu, en arrière de Bry. Leur place est occupée par une troupe fraîche de trois régimens d’infanterie et par la cavalerie de Jurgas. Déjà trente-neuf bataillons prussiens se sont jetés et usés dans Saint-Amand. De notre côté, la division Girard, qui a occupé le point saillant de l’attaque à l’extrême gauche, reste en première ligne contre un ennemi qui se renouvelle sans cesse. Dans cette lutte inégale, cette division a perdu son chef, le général Girard, atteint d’une balle au moment où pour la troisième fois il débouche au-delà du ravin. Les deux généraux de brigade sont blessés et mis hors de combat. C’est un colonel qui commande, Tiburce Sébastiani. Le tiers des hommes de cette division couvrent de leur corps les débris fumans du village ; mais en mourant le général Girard laisse à ses soldats son caractère invincible. Il tombe, et son esprit reste debout.

Dans le même temps, au centre, le village de Ligny était attaqué sur trois colonnes. Là les Prussiens ont vu, sous la fumée, une masse profonde s’élancer des hauteurs en face d’eux. C’est le 4e corps français dirigé par Gérard. Le côté du village qui se présente à lui n’offre qu’une longue ligne et comme une muraille continue et crénelée. L’abord en est plus difficile que celui de Saint-Amand. En outre deux batteries prussiennes sont placées aux deux extrémités de cette longue rue, qu’il faut prendre à revers. C’est principalement par les issues particulières de chaque maison que les nôtres pénètrent dans le village. Ce ne sont pas, comme à Saint-Amand, de vastes espaces ouverts où l’on peut se porter en masse et d’où les Français et les Prussiens se refoulent alternativement les uns après les autres. À Ligny, les troupes ont plus de points d’appui pour résister dans chaque enclos, et une fois maîtresses d’une partie du village, elles le sont plus longtemps. Pendant un carnage de trois heures, l’œil ne peut suivre la bataille dans l’intérieur des cours, des hangars, des masures. C’est au bruit de la mousqueterie, aux