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croit en plein moyen âge, et ce monument d’une piété naïve, dont les illusions peuvent arracher un sourire, a cependant quelque chose de plus touchant et de plus vrai que les palais pompeux où s’étale la liturgie cérémonieuse d’une église modernisée. L’officiel met en fuite la sincérité.

La cathédrale est une église de notre temps ; la façade date du dernier siècle, et l’intérieur, de l’ordre corinthien, est élégant et digne. Tout ce qu’elle renferme d’antique est caché dans sa crypte, reste d’un plus ancien édifice. L’église de Saint-Jacques-le-Majeur, vieille de construction, vieille encore par le dehors et par son portail lombard, et dont la large voûte s’appuie sur des piliers d’une beauté massive, est livrée ta une restauration soignée qui nous la rendra avec une jolie teinte de vert d’eau et de blanc de sucre. Saint-Dominique serait plus intéressant à décrire ; mais il faut se borner et savoir négliger deux stylobates portant des saints, une fresque du Guide, un saint Thomas d’Aquin du Guerchin, une statuette de saint Pétrone par Michel-Ange et le meilleur tableau peut-être de Tiarini. Et cependant le tombeau de saint Dominique est un des beaux ouvrages de Nicolas de Pise, il mériterait d’être étudié comme marquant une époque de la sculpture, et le portrait de saint Thomas, par Simon de Bologne, est garanti pour la ressemblance. Sérieusement il est authentique, autant que peut l’être l’œuvre d’un peintre qui vivait cent ans après l’original. J’abandonne aussi Santa-Maria-della-Vita, où l’on pourrait cependant visiter le tombeau d’un bienheureux Buonaparte, deux noms rarement accouplés, et Santa-Maria-dei-Servi, précédée d’un péristyle gothique ou d’un cloître à claire-voie d’une rare élégance. Pas un mot non plus de tous ces palais, Pepoli, Zampieri, Zambeccari, Fava ; pas un mot de la maison de Rossini. Il ne nous reste que le temps de courir au Campo-Santo. On sait combien depuis un temps les cimetières des grandes villes en Italie sont devenus l’objet d’une nouvelle et touchante application de l’art qui console et la mort et la vie. Une chartreuse du XIVe siècle a été supprimée en 1797, et l’autorité française en a fait la chapelle du grand cimetière de la ville. Elle a la forme d’un T ou, si l’on veut, d’une croix dont la tige aurait été supprimée, et où l’on entrerait par le centre de la croisée. Elle est très ornée, avec élégance, mais avec goût. L’abside est toute remplie de moulures et de peintures de Barthelemi Cesi. Ce n’est pas du grand art, mais c’est l’œuvre d’un maniériste habile, et un excellent spécimen de ce genre, moitié ornement, moitié tableau, où les Italiens excellent facilement, et qui me paraît si bien convenir dans les églises. On ne peut voir sans intérêt un baptême du Christ peint à vingt ans par une jeune élève du Guide, Élisabeth Sirani, et, suspendus aux murailles, les fers des esclaves d’Afrique délivrés par une confrérie bolonaise. Tous les anciens cloî-