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l’Océan avant que Colomb ne le traversât, hier l’Australie, aujourd’hui encore l’Afrique intérieure. A mesure que le mystère s’évanouit sous les yeux de quelque hardi chercheur, la nature se révèle avec une munificence imprévue. On peut espérer qu’il en sera ainsi de la Guyane dans ses plus sombres profondeurs.

Deux voies moins insondables restaient ouvertes aux hardiesses du génie colonisateur, les magnifiques cours de l’Orénoque et de l’Amazone, qui jusqu’en-deçà du XVIe siècle limitèrent seuls la Guyane française, comme en font foi les chartes de compagnies octroyées par Louis XIII et Louis XIV, simples ratifications des entreprises individuelles des marchands de Rouen et des marins engagés sous leurs ordres. Les compagnies et la royauté ont fait perdre à la France cette double et inappréciable richesse. Uniquement préoccupées de leurs gains immédiats et manquant de l’intelligence des grandes affaires autant que de résolution et de patriotisme, les compagnies privilégiées laissèrent les Hollandais s’implanter en-deçà de l’Orénoque, si bien que lorsque l’établissement de Cayenne, commencé en 1635, prit quelque consistance, nous, étions déjà resserrés sur la rive droite du Maroni. A l’autre extrémité, il restait encore, pour nous ouvrir les profondeurs du pays, l’Amazone et le Rio-Negro, l’un de ses principaux affluens. Par le traité d’Utrecht, Louis XIV abandonna cette limite, renonçant même à tout droit de navigation sur l’Amazone et ses tributaires, sacrifiant ainsi d’un trait de plume au Portugal, maître du Brésil, un itinéraire commercial de quinze cents lieues, comme il abandonnait l’Acadie et Terre-Neuve à l’Angleterre à titre d’appoint de ses combinaisons dynastiques.

Les nouvelles limites respectivement assignées à la France et au Brésil furent si mal déterminées, qu’elles sont, depuis le règne de Louis XV, l’objet d’un litige non réglé encore malgré une accumulation de notes et de conférences diplomatiques où se trouve invoquée de part et d’autre la grande autorité de Humboldt, qui voyageait dans ces régions vers le commencement du siècle. Le désaccord vient de la détermination du Cap-Nord et de la rivière de Vincent-Pinçon ou Japoc, assignés par le traité d’Utrecht pour limite méridionale à la Guyane française. L’interprétation portugaise confond ces deux points avec le cap d’Orange et la rivière d’Oyapock, ce qui enlève les trois quarts de la surface et la moitié du littoral revendiqués par la France, laquelle reporte ses limites à la rivière Araouari, au voisinage du Cap-Nord. Si tel est notre droit, nous avons un intérêt sérieux à le maintenir. Sur le plateau élevé où l’Oyapock et divers affluens de l’Amazone prennent leur source, la colonisation trouverait des vallées tièdes et des terres vierges éminemment propres au caféier, au cacaoyer, au cotonnier. Plus près du rivage, des savanes