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ou sèches, de 5 à 9 kilogrammes par mois; depuis quelque temps, elle s’élève sensiblement, et les dernières nouvelles constatent un rendement mensuel de 13 kilogrammes, soit près de 40,000 francs. Jusqu’à présent, on exploite les alluvions d’anciens cours d’eau, partout disséminées, en attendant que les filons d’or natif se révèlent, grâce à d’incessantes prospections.

Toutefois l’état, en concédant un tel monopole, eût compris d’une manière bien mesquine le rôle des mines d’or en ce monde, s’il n’y avait vu qu’un moyen d’enrichir quelques actionnaires. L’histoire atteste qu’en tout pays où les mines de métaux précieux ont été librement exploitées, une population agricole, une société avec tous ses élémens réguliers, ne tardent pas à s’établir; il semble que l’or ne soit qu’une amorce providentielle pour faire peupler et cultiver toutes les régions de notre planète. Voyez aujourd’hui la Californie et l’Australie, dans l’antiquité les régions explorées par les Phéniciens et les Carthaginois, ces ancêtres de nos chercheurs d’or! On affirme que les placers de la Guyane, abandonnés aux émigrans européens, leur seraient mortels et ne feraient que multiplier les catastrophes qui ont si malheureusement discrédité la colonie, que ces travaux d’extraction excessivement pénibles ne peuvent être, sous un tel climat, livrés qu’à des ouvriers d’élite africains ou asiatiques, et que ceux-ci ont besoin d’une direction intelligente, sans parler de la puissance des capitaux, qui leur manque encore plus qu’aux ouvriers européens.

Sans rejeter des explications qui nous semblent plausibles, nous maintenons que le devoir de l’état comme l’ambition de la compagnie doivent être le peuplement et la colonisation du pays à qui est échue la bonne fortune des mines d’or. cette règle se mesurera le succès social, distinct du succès financier, le seul qui donne aux directeurs d’une grande entreprise une gloire durable. L’acquisition qu’ils ont faite de l’habitation-sucrerie appelée la Jamaïque pour la relever de ses ruines, en combinant les travaux de l’agriculture avec ceux des mines, nous donne l’espoir qu’ils comprennent ainsi leur mission. De proche en proche ils peuvent ramener l’aisance là où la misère s’est faite, et conduire la colonie tout entière, dont l’intérêt s’identifie avec celui de la compagnie, vers des destinées plus prospères qu’elle n’en connut jamais. Ils reprendront ainsi l’idée qu’avait conçue, il y a une quinzaine d’années, une autre société dont les plans furent ici même l’objet d’un examen bienveillant[1], et qui se proposait d’opérer la transformation du régime de l’esclavage en régime de liberté au moyen d’une organisation nouvelle de la propriété et du travail,

  1. Voyez la Revue du 1er ’août 1845.